mardi 28 décembre 2010

"A game of thrones"


Des mois et des mois que j'hésitais à me lancer dans la fameuse saga du Trône de Fer, réputée excellente mais longue et surtout inachevée à ce jour. J'ai fini par craquer pendant les vacances de Noël, alors que je séjournais chez mes parents où il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire que bouquiner. Le premier tome m'a, entre autres choses, tenu compagnie pendant que mon père passait une IRM à la clinique où je l'avais accompagné, et occupée pendant un très long trajet Toulouse-Paris en Corail à compartiment couchettes. Il m'a également fait veiller beaucoup trop tard certains jours où j'aurais dû me coucher de bonne heure pour être en forme le lendemain, mais passons.

"A song of fire and ice" (titre originel de la saga de George R. R. Martin) raconte la rivalité de deux familles nobles, les Stark et les Lannister, durant un conflit visiblement inspiré de la Guerre des Roses. Bien que résolument médiéval-fantastique, l'univers est assez pauvre en magie et en créatures imaginaires: pas l'ombre d'un elfe, d'un orc ou d'un troll à l'horizon, et le seul nain de l'histoire est juste un humain infirme. Malgré cela, on ne s'ennuie pas une seule seconde tant l'intrigue regorge de manigances retorses et de rebondissements inattendus. L'auteur n'hésite pas à tuer ses héros dans des circonstances tragiques et sans espoir de retour, de sorte qu'il est difficile de prévoir la suite des événements. Et ça, j'adore.

Chaque chapitre présente le point de vue d'un personnage différent. J'imagine que cet éclatement pourrait rebuter certains lecteurs; pour ma part, j'ai juste trouvé qu'il ajoutait à la richesse de la narration. Les destins s'entremêlent sans forcément se croiser, ce qui permet d'avoir un point de vue d'ensemble de la situation. Une petite critique tout de même: les personnages m'ont paru un peu manichéens, presque archétypaux pour certains - Eddard Stark le seigneur noble de coeur autant que de titre; Arya le garçon manqué; Cersei la reine décadente et cruelle... D'autres sont plus nuancés, comme Tyrion Lannister ou Daenerys la descendante des dragons. Mais au crédit de l'auteur, tous évoluent de façon crédible au fil des pages, et quand on les quitte à la fin d'un chapitre, on a hâte de les retrouver pour voir vers où les conduiront leurs choix.

Un autre point fort de cette saga, c'est le style de son auteur. George R. R. Martin écrit superbement bien. J'ai relu plusieurs fois à voix haute la phrase suivante, sur un ton émerveillé, à Chouchou qui ne semblait guère touché par sa beauté: "Daenerys Targaryen wed Khal Drogo with fear and barbaric splendor in a field beyond the walls of Pentos, for the Dothraki believed that all things of importance in a man's life must be done beneath an open sky". Je ne sais pas si le traducteur français de la saga a fait du bon boulot, mais je l'envie d'avoir travaillé sur un texte pareil. En conclusion, si vous êtes amateur d'heroic fantasy, vous ne devez pas passer à côté de cette saga qui se classe d'emblée parmi ce que j'ai lu de meilleur dans le genre.

"A song of fire and ice" book 1: "A Game of Thrones" (VF: "Le Trône de fer - Intégrale, Tome 1")

mercredi 22 décembre 2010

"La symphonie du temps qui passe"


Jamais encore je n'avais lu roman si prometteur et, au final, si décevant. Poussé par la curiosité, Green Talbot quitte le village endormi où il a vu le jour afin de parcourir le monde pour satisfaire sa soif d'expériences nouvelles. Son voyage initiatique l'amènera à parcourir deux continents durant une période charnière du XXème siècle. Green apprendra à parler aux oiseaux et à respirer comme les poissons, croisera au large de l'île où s'échouent tous les messages en bouteille jamais parvenus à leur destinataire et se mettra à vieillir en accéléré lorsque le ciel lui tombera (littéralement) sur la tête...

Avoir tant de bonnes idées de personnages originaux et d'aventures poétiques pour se contenter de les jeter sur le papier en les détaillant à peine plus que dans un synopsis, puis arrêter brutalement le récit de la vie du héros au moment où, âgé de trente-et-un ans à peine, il rencontre la femme de sa vie et se fait menacer d'un pistolet sur la tempe par son beau-père putatif, ça sent le poil de mammouth dans la main de l'écrivain. On dirait qu'arrivé au premier tiers de son ébauche, Mattia Signorini s'est désintéressé de la fable initiatique et surréaliste pourtant très prometteuse qui avait germé dans son esprit et qui aurait facilement pu donner matière à un roman palpitant d'un millier de pages. La lecture de "La symphonie du temps qui passe" m'a remplie d'une frustration dont je vais avoir beaucoup de mal à me remettre.

mardi 21 décembre 2010

"Mamika"


Pour sortir de la dépression sa grand-mère âgée de 90 ans, le photographe Sacha Golberger décide d'en faire le modèle d'une série de photos à l'humour complètement décalé. On y voit Mamika ("petite grand-mère" dans son hongrois natal) fumer des Knacki et des bananes, faire du vélo d'appartement sur la place de l'Etoile, planter un clou avec une éponge, improviser des jumelles avec deux rouleaux de PQ, boire son thé dans une bouillotte, transformer son frigo en garde-robe, descendre ses escaliers à ski, se laisser draguer par un poulet, suspendre sa salade avec des pinces à linge pour l'égoutter ou faire du stop pour Gotham City déguisée en super héroïne. C'est irrésistible de drôlerie et de tendresse. Un ouvrage à mettre entre les mains des petits comme des grands.

vendredi 26 novembre 2010

"Le monde selon Arnold"



Comment un commissaire-priseur londonien installé dans une petite vie pépère et heureux en ménage depuis 12 ans se retrouve-t-il, quasiment du jour au lendemain, propulsé roi d'une petite île du Pacifique et embarqué dans un hallucinant complot planétaire?

Grâce à sa passion pour les champignons.

Si vous êtes intrigué par la question et pas vraiment satisfait par cette réponse lapidaire, il vous faudra lire "Le monde selon Arnold", roman loufoque et dépaysant de Giles Milton dont la couverture seule a suffi à me séduire quand diane cairn a attiré mon attention dessus lors d'une visite chez Cook&Book.

J'ai aimé le côté inclassable de ce livre, ainsi que le récit mené à deux voix par le héros et par un journaliste qui cherche à reconstituer son étrange histoire. Dans le registre "épopée farfelue à travers le monde", il n'est certes pas à la hauteur du génial "Une partie du tout" de Steve Toltz. Mais il tient la route d'un bout à l'autre sans décevoir et permet de passer un agréable moment.

jeudi 18 novembre 2010

"Les envahissants"


Enfermée chez elle, Marie essaie désespérément de finir sa thèse d'assyriologie. Mais elle peine à se mettre au travail. Tous les prétextes lui sont bons pour procrastiner. Elle observe les gosses qui jouent dans la cour de l'école en bas de chez elle, écoute la télé de ses voisins l'oreille collée aux lattes du plancher, lave ses culottes à la main dans son lavabo et se vernit les doigts de pied.

A force de chercher l'inspiration là où elle ne se trouve pas, elle finit par voir apparaître trois visiteurs extrêmement envahissants: le sergent Glooms, Raoul le morse dépressif et Candy la bombe anatomique "vierge comme l'huile d'olive". Contre toute attente, ces derniers vont unir leurs ressources pour aider Marie à achever sa thèse dans les temps impartis...

J'ai beaucoup aimé cette bédé signée Maloup et Marie Voyelle, parue dans la collection dirigée par Pénélope Bagieu chez Jean-Claude Gawsewitch. Pleine d'humour et de tendresse, elle devrait particulièrement "parler" aux gens qui, comme moi, bossent à leur domicile sans voir personne pendant des journées entières et ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se motiver.

lundi 15 novembre 2010

"Rosa candida"


"Le jeune Arnljòtur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichens. Sa mère a eu un accident de voiture. Mourante dans le tas de ferraille, elle a trouvé la force de téléphoner aux siens et de donner quelques tranquilles recommandations à son fils qui aura écouté sans s'en rendre compte les dernières paroles d'une mère adorée. Un lien les unissait: le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C'est là qu'Arnljòtur aura aimé Anna, une amie d'un ami, un petit bout de nuit et l'aura mise innocemment enceinte.

En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljòtur part sans le savoir à la rencontre d'Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre Eden oublié du monde et gardé par un moine cinéphile."

Très jolie surprise que ce premier roman de l'auteur islandaise Audur Ava Olafsdòttir, extrêmement bien traduit par Catherine Eyjòlfsson. L'écriture coule comme un ruisseau, avec la même limpidité et la même fraîcheur; quant à l'histoire, elle allie simplicité et poésie. Grâce à "Rosa candida", j'ai passé quelques heures merveilleusement lumineuses qui m'ont donné envie, après mon coup de coeur pour Katarina Mazetti il y a deux ans, de m'intéresser davantage à la production littéraire nord-européenne. Si vous avez des auteurs ou des titres à me suggérer...

mercredi 3 novembre 2010

Deux albums de Trondheim


"Bludzee" est le dernier-né de Lewis Trondheim: un petit chat noir que son maître a enlevé à sa mère et emmené en haut d'une grande tour avant de disparaître purement et simplement. Mais Bludzee n'est pas inquiet, car il dispose d'une une ample provision de croquettes. Pour passer le temps, il tchatte avec des potes virtuels sur Internet et regarde les oiseaux s'écraser sur les vitres. Bientôt, des affreux pas beaux font irruption dans son appartement. Ils recherchent le maître de Bludzee, un grand criminel qui aurait décidé d'élever son chat pour en faire un redoutable tueur à gages...

De par son côté barré et hyper-touffu, "Bludzee" rappelle beaucoup "Lapinot et les carottes de Patagonie", une des premières oeuvres de Trondheim. Mais on sent que du temps a passé entre les deux albums et que l'auteur a pris de la bouteille. Même s'il semble partir dans tous les sens, "Bludzee" finit toujours par retomber sur ses pattes avec une certaine logique inhérente à son délire. Un petit bonheur de lecture décalée, surtout pour les propriétaires esclaves de chats qui y reconnaîtront certaines manies de leurs compagnons poilus.



Dans un tout autre genre et avec Matthieu Bonhomme au dessin, j'ai également lu "Omni-visibilis". C'est l'histoire d'un type ordinaire, célibataire d'une trentaine d'années plein de manies de vieux garçon. Un matin, tout le monde le dévisage bizarrement alors qu'il se rend à son travail. De parfaits inconnus semblent le reconnaître, et ses collègues sont capables de lui dire ce qu'il a fait minute par minute depuis son réveil. Très vite, il se rend compte que le monde entier voit désormais ce qu'il voit, entend ce qu'il entend et sent ce qu'il sent. Il devient un homme traqué, pourchassé à la fois par la pègre et la police, courtisé par les multinationales qui voient en lui un parfait instrument publicitaire...

Malgré un propos digne d'intérêt, "Omni-Visibilis" n'a pas réussi à me séduire. Peut-être parce que son personnage principal n'inspire pas la sympathie, ou peut-être parce que j'ai envie de choses plus marrantes en ce moment. Pénélope Bagieu, en revanche, a adoré et le dit ici.

lundi 1 novembre 2010

"Bienvenue" (T1)


J'aimerais vous faire partager une jolie surprise signalée à mon attention par le personnel de Brüsel: le tome 1 de "Bienvenue", série scénarisée par Marguerite Abouet à qui on devait déjà le très acclamé "Aya de Yopougon".

Etudiante aux Beaux-Arts, Bienvenue partage une chambre de bonne avec Lola, sa cousine hyper-délurée qui ne comprend pas son manque d'intérêt pour les garçons. Elle gagne tant bien que mal sa vie comme nounou, et malgré un sens de l'humour un peu acerbe, c'est une fille généreuse qui se laisse souvent embringuer dans les malheurs des autres: sa voisine indienne dont elle soupçonne le mari de la battre, une suicidaire qu'elle empêche de se jeter sous les roues du métro...

Bienvenue est un vrai personnage de jeune femme à mille lieues des insupportables clichés colportés par Glamour ou Cosmo - une personnalité originale, nuancée et crédible. Comme tous les membres de son entourage, on la sent marcher en équilibre sur un fil, susceptible à chaque instant de basculer d'un côté ou de l'autre mais continuant tant bien que mal à avancer. C'est la tranche de vie la plus émouvante qu'il m'ait été donné de lire depuis que j'ai fini la série des "Paul" de Michel Rabagliati. Je recommande chaudement, et pas juste aux amateurs de bédé.

jeudi 28 octobre 2010

"The Spellman Files"


Investigatrice sur des affaires qui ne sont pas ou plus du ressort de la police, elle approche de la trentaine avec un caractère pas piqué des vers, un humour hautement sarcastique et une réputation de problème ambulant. Sa vie amoureuse est un désastre, peut-être parce qu'elle préfère le jean-baskets aux robes-escarpins, refuse de sortir avec les avocats que sa mère rêverait d'avoir pour gendres et se retrouve systématiquement obligée de mentir à ses petits amis. Ses rapports avec sa famille hautement dysfonctionnelle sont une source de fous-rires répétés chez le lecteur.

Malgré toutes ces similitudes, elle, ce n'est pas la Stephanie Plum de Janet Evanovich, mais Isabel Spellman (dite Izzy), l'héroïne de la série de Lisa Lutz. Ses parents tiennent une agence de détectives privés dans laquelle elle bosse avec son oncle Ray, un alcoolique qui tend à disparaître pendant des semaines entières pour des marathons bibine-poker-prostituées, et sa petite soeur Rae, gamine de quatorze ans accro au sucre et aux filatures rapprochées. Seul son frère aîné David, incarnation de la perfection terrestre, a réussi à prendre ses distances avec l'asile de fous qu'est la résidence Spellman en devenant avocat - ce qui ne l'empêche pas d'être systématiquement entraîné dans les guerres intestines que les autres membres de la famille se livrent avec une ténacité de pitbulls et un mépris total pour l'intimité d'autrui.

Malgré une petite intrigue pas trop mal ficelée, "The Spellman Files" n'est pas un roman policier - et malgré les déboires amoureux de son héroïne, je ne le classerais pas non plus dans la catégorie chick-lit. C'est juste un bouquin léger mais bien construit, bien écrit et très drôle, que je n'ai pas lâché avant de l'avoir fini. Parfait pour se vider la tête. J'ai déjà commandé le tome 2 sur Amazon.

"The Spellman Files" est disponible en français sous le titre "Spellman et Associés".

lundi 25 octobre 2010

"Manabeshima"


Au printemps 2009, j'avais flashé sur le sublime "Tokyo Sanpo", carnet de voyage aussi beau que drôle et foisonnant, réalisé par Florent Chavouet alors qu'il passait six mois là-bas avec sa petite amie en stage dans une entreprise japonaise. L'auteur était sur Facebook; je lui avais envoyé un message pour lui dire mon admiration et lui demander avec quoi il dessinait. Il m'avait répondu très gentiment, ajoutant qu'il espérait pouvoir réaliser un deuxième ouvrage sur le Japon, mais côté rural cette fois.

Mercredi dernier, je suis passée à l'Ambassade de France où on n'a absolument rien pu me dire d'utile concernant mes projets. Comme du coup, il me restait une heure à tuer avant mon massage au Serendip Spa, je suis allée flâner dans les rayons de Filigranes. Et là, au rayon bédé, j'ai découvert "Manabeshima", du même Florent Chavouet: le récit de deux mois passés, à l'été 2009, sur une minuscule île de pêcheurs dans le sud du Japon. Impossible d'attendre pour le commander sur Amazon; je l'ai embarqué direct. Et pendant les soirées qui ont suivi, j'ai dû me rationner pour ne pas le terminer trop vite.

"Tokyo Sanpo" témoignait déjà d'une belle maîtrise technique et d'un style très personnel. "Manabeshima" est plus abouti encore. Quand on sait que l'auteur n'a pas trente ans, on se délecte d'avance à la pensée des merveilles qu'il va pouvoir produire par la suite. Chaque page m'a arraché des "Oooooh" de ravissement, des "Aaaaargh!" de jalousie, des "Mais c'est pas possible, combien de temps il a passé sur ce plan?", ou des crises de fou-rire incontrôlées.

Les insulaires dont Florent Chavouet fait le portrait sont si pittoresques qu'on pourrait les croire issus de son imagination, alors qu'il a sans doute à peine forcé leurs caractéristiques naturelles. La vie sur Manabeshima est retranscrite avec un sens de l'observation et du détail particulièrement développé; il ne faut négliger aucune des annotations minuscules qui parsèment les pages du livre: elles sont toutes à mourir de rire, et expriment très bien la perplexité engendrée par certaines coutumes japonaises chez l'Européen moyen.

Si vous aimez le Japon, si vous êtes fan de carnets de voyage, si vous avez soif de dépaysement et d'humour ou juste envie de découvrir un artiste prometteur, vous devez lire "Manabeshima".

dimanche 26 septembre 2010

"Grandir"


Les interventions de Sophie Fontanel à la télé ne m'ont pas inspiré de sympathie particulière vis-à-vis d'elle. Les aventures de Fonelle, qu'elle publie chaque semaine dans ELLE depuis presque dix ans, ne m'ont guère fait rire qu'au tout début. Ses "minute par minute" me laissent totalement froide. Dans les interviews qu'elle mène, on devine bien une profondeur, une sensibilité intéressantes. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que lorsque j'ai acheté "Grandir", je n'étais pas un public conquis d'avance. Simplement, le sujet m'interpelait et les critiques plus qu'élogieuses excitaient ma curiosité.

Je me demande bien pourquoi il est écrit "roman" sur la couverture de ce livre. Car il ne s'agit pas d'une fiction mais d'un récit: celui de la prise en charge, par l'auteure, de sa mère âgée de 86 ans. Chaque page déborde d'un amour infini pour cette vieille dame qui n'arrête pas de tomber et de se casser mais ne veut surtout pas quitter son domicile, qui perd la mémoire mais garde une curiosité intacte, une immense malice et un savoureux sens de la répartie. Chaque phrase va droit à la vérité crue d'une situation à la fois humainement enrichissante et moralement épuisante. Sophie Fontanel livre un combat émouvant et raconte son expérience avec tant de tendresse affolée qu'on a envie de la serrer sur son coeur. "Grandir" est plus qu'un très beau livre, c'est un témoignage précieux sur la façon d'apprivoiser l'idée de la vieillesse et d'accompagner un proche en fin de vie. A lire absolument.

dimanche 5 septembre 2010

"Our tragic universe"


Comme l'héroïne de l'excellent "The end of Mr. Y" - et comme, j'imagine, Scarlett Thomas elle-même -, Meg Carpenter est une grande loseuse des relations de couple, une éternelle fauchée obligée de compter le moindre penny et, accessoirement, une littéraire qui se passionne aussi pour les sciences. Hélas, la ressemblance entre les deux romans s'arrête ici. Les délires métaphysiques de "The end of Mr. Y" se basaient sur une vulgarisation talentueuse et un scénario d'une grande originalité; ceux de "Our Tragic Universe" sont totalement tirés par les cheveux et, mélangés aux dérives sentimentales de personnages dont il est impossible de se soucier, manquent de structure autant que d'enjeu.

J'imagine que le succès mérité de "The end of Mr. Y" avait placé la barre très haut, trop haut sans doute, car "Our tragic universe" est un plantage monumental à tous points de vue, un roman de plus de 400 pages dont pas une seule ne vient racheter les autres. Alternant les conversations fumeuses qui semblent être autant de moyens pour l'auteur de recycler ses théories personnelles sur l'écriture, avec des considérations d'un ennui abyssal sur les habitudes domestiques de son chien ou la meilleure méthode pour tricoter des chaussettes (I kid you not), c'est un de ces rares livres dont il n'y a vraiment rien à sauver. Filles à grosse PAL, vous pouvez passer votre chemin. Les autres aussi, d'ailleurs.

lundi 30 août 2010

"L'effet Larsen"



L'avantage des grands trajets en train, c'est qu'on peut s'y adonner à la lecture sans remords, puisqu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire, et pendant des heures sans être interrompu. Vendredi, j'ai donc profité des 5h30 du Monpatelin-Toulouse pour engloutir le nouveau roman de Delphine Bertholon dont j'avais adoré "Twist" il y a deux ans.

Eté 1998. Nola, 18 ans, devrait être en train de se dorer la pilule en Grèce avec ses deux meilleures amies pour fêter sa majorité et l'obtention de son bac. Mais quelques mois plus tôt, elle a perdu son père adoré dans des circonstances tragiques et dû quitter le charmant pavillon familial de Montreuil pour une vieille maison bizzaroïde et déprimante. Tandis qu'elle travaille dans un bar à ivrognes pour gagner quelques sous, sa mère sombre peu à peu dans une maladie qui va bien au-delà de la simple dépression et semble motivée par une mystérieuse culpabilité...

L'histoire de cette jeune fille dont l'univers a implosé et qui tente malgré tout de continuer à mettre un pied devant l'autre ne m'a touchée qu'à moitié. A aucun moment de ma lecture je n'ai réussi à me représenter Nola ni à "entendre" réellement sa voix, et je serais bien en peine d'expliquer pourquoi. J'aime toujours autant l'écriture vive et sensible de Delphine Bertholon, et j'ai apprécié la galerie de personnages secondaires un peu cassés par la vie qu'elle développe dans ce roman: les voisins de Nola, la bande des piliers de comptoir... Mais son héroïne m'est restée transparente tout du long. Du coup, je ne peux pas dire que "L'effet Larsen" m'aura beaucoup marquée.

dimanche 29 août 2010

"Quand vous lirez ce livre..."


Après avoir terminé une traduction de plus de 1100 pages dont 75% de scènes de fesses hyper-graphiques, j'avais envie de fraîcheur et d'innocence (tout arrive).
J'ai d'abord tenté un recueil de nouvelles d'Eric-Emmanuel Schmidt, "Odette Toulemonde et autres histoires". Je sais que les livres de cet auteur sont souvent moqués, mais ayant apprécié quelques oeuvres très populaires comme "La première gorgée de bière" de Delerm, "Ensemble c'est tout" d'Anna Gavalda ou absolument tous les bouquins de Nicole de Buron, je préférais me faire une opinion par moi-même.
Ben, c'est pas aussi abyssal que du Marc Lévy, mais j'ai trouvé ça sans grand intérêt. J'ai arrêté vers le milieu et enchaîné sur un poche trouvé par hasard à la Fnac la veille: "Quand vous lirez ce livre...".
Sam a 11 ans; il est atteint d'une grave leucémie et les médecins ne lui donnent que quelques mois à vivre. Alors, il décide d'écrire un livre dans lequel il consignera son histoire et se lance dans la réalisation de sa liste des "8 choses à faire avant de mourir".
Je sais, pour quelqu'une qui veut se changer les idées, je choisis peut-être des thèmes un peu plombés. Mais curieusement, malgré un sujet sensible et pas vraiment gai, ce roman est bel et bien plein de fraîcheur et d'innocence. Avec beaucoup de tendresse et sans jamais verser dans le pathos, Sally Nicholls accompagne son jeune héros sur le chemin de l'acceptation de sa propre fin. Une lecture rapide et émouvante, dont on sort pourtant étrangement apaisé.

lundi 16 août 2010

"Obsessive consumption"


Samedi après-midi en flânant chez Cook&Book (a.k.a "my favorite place in Brussels"), je suis tombée sur le livre d'une graphiste qui, depuis plusieurs années, s'astreint à dessiner chaque jour une chose qu'elle achetée en ajoutant la date, le prix et éventuellement quelques précisions manuscrites sur l'objet concerné.

Dans l'introduction de "Obsessive Consumption: What Did You Buy Today?", Kate Bingaman-Burt écrit: "I draw objects that are rather ordinary: Coke cans, Post-it notes, toilet bowl cleaner - sundry items that a lot of consuers have a shared experience with; items that we interact with but don't really think about. I love documenting the mundane and, in turn, putting a personal face on something that is mass-produced. I make work about personal consumerism, market economics, guilt, joy, excess, more guilt, gifst, celebration, repetition, and the community of these shared experiences."

Les gens qui suivent ce blog depuis un certain temps l'auront remarqué: j'ai une relation amour-haine avec le concept de consommation. D'un coté, je trouve ça désespérément creux et potentiellement suicidaire: il y a quand même des choses plus intéressantes à faire dans la vie que les magasins, surtout quand on sait que nous sommes en train d'épuiser les ressources de la planète à la vitesse grand V. Et d'un autre côté... Ooooh, les jolies chaussures! Il me les faut, il me les faut, il me les faut! J'ai bien du mal à trouver un équilibre entre les deux extrêmes, le point de consommation juste qui permet de se faire plaisir sans culpabiliser ni s'encombrer l'espace et l'esprit pour rien. Donc bien entendu, j'ai sauté sur cette occasion de décortiquer le mode de vie d'une autre Occidentale née dans un pays riche où presque tout lui est accessible.

Mais je ne me suis pas arrêtée là, décidant de reproduite l'expérience de Kate Bingaman-Burt. J'avais justement un petit carnet Clairefontaine à spirale, épais avec du beau papier blanc, qui me semblait idéal pour ce genre d'entreprise. Je sais: je tiens déjà un agenda quotidien et un 5-year diary dans lequel je note une phrase marquante chaque jour, mais je ne me lasse jamais d'exploiter mon quotidien. Certains se divertissent en écrivant des romans situés dans des univers inventés de toutes pièces; moi, ce que j'aime, c'est étudier les petits riens qui font ma vie de tous les jours. Oui, je suis terre-à-terre. Chacun son vice.

Je me suis fixé comme règle de dessiner directement à l'encre et très rapidement, contrairement à ce que je fais dans mes carnets de voyage ou pour mes portraits de chaussures. Le but est de s'exercer quelques minutes chaque jour pour acquérir l'aisance et l'assurance qui me manquent encore. Mon seul achat d'aujourd'hui a été ma souscription à un atelier en ligne proposé par Elise Blaha, une scrapeuse américaine dont je suis le blog depuis plus de deux ans. Comment dessiner quelque chose d'intangible? Chez moi, voici ce que ça donne...

mercredi 11 août 2010

"The gargoyle"


Alors qu'il rentre chez lui en voiture après une nuit de débauche, un homme voit jaillir une volée de flèches enflammées du bois qui borde la route. Il donne un coup de volant; sa voiture tombe dans un précipice et prend feu. Il survit miraculeusement, mais dans un tel état qu'il commence aussitôt à planifier son suicide. Car avant son accident, cet homme dont nous ne connaîtrons jamais le nom était un acteur et un réalisateur de films pornos, personnage cynique et sans scrupules dont toute l'existence était basée sur son pouvoir de séduction. Désormais, il est défiguré, en proie à une douleur atroce et mutilé de la pire des façons pour lui, puisque les flammes ont dévoré son pénis. Ce qui reste de sa vie ne vaut plus la peine d'être vécu, songe-t-il. Jusqu'au jour où une patiente de l'aile psychiatrique voisine fait irruption dans sa chambre et entreprend de lui conter une incroyable histoire. Selon elle, ils se sont connus et aimés sept siècles auparavant, alors qu'elle était une jeune nonne prodigieusement douée pour les langues et lui un mercenaire grièvement blessé au cours d'une bataille par... une flèche enflammée.

J'ai eu beaucoup de mal à dépasser les premiers chapitres de "The Gargoyle". Pour une petite nature comme moi, la description détaillée de la souffrance causée par des brûlures au 3ème degré et du traitement à appliquer à la victime était quasi insoutenable. Néanmoins, quelque chose m'a poussée à continuer. Pas la sympathie que je pouvais éprouver pour le narrateur, qui n'en inspire aucune même si l'on peut comprendre qu'il soit devenu ce qu'il est après une enfance passablement traumatisante. Mais j'aimais déjà le style prenant de l'auteur et l'atmosphère gothique qui se dégageait de ce roman. Puis Marianne Engel est entrée en scène, et il n'a plus été question d'abandonner ma lecture. Comme le narrateur, j'ai été séduite par cette femme mystique et exaltée, sculptrice de talent spécialisée dans les gargouilles grotesques qu'elle prétend ne pas créer mais "libérer de la pierre". Je me suis laissée envoûter par les histoires d'amour tragiques dont, telle Schéhérazade, elle entrecoupait le récit de sa propre existence. Je me suis demandé si elle était folle ou si elle avait réellement vécu toutes ces choses et rencontré tous ces gens. J'ai retenu mon souffle en attendant de voir ce qui se passerait lorsqu'elle aurait fini de restituer mille coeurs selon les instructions de ses Trois Maîtres. J'ai cogité sur les notions de dépassement de soi et de rédemption. Et malgré de nombreuses questions laissées sans réponse à la fin, j'ai refermé "The gargoyle" avec la certitude que c'était un livre qui resterait longtemps avec moi.

Cet ouvrage est disponible en français sous le titre "Les âmes brûlées".

vendredi 30 juillet 2010

"The book of unholy mischief"


Pour me faire acheter un roman dont je n'ai même jamais entendu parler, il suffit de prononcer la formule magique "livre maudit", si possible accompagnée de précisions telles que: "contient un secret qui excite la convoitise de gens mal intentionnés" ou "laisse derrière lui un sillage de mort et de destruction". A ce stade, j'ai la bave aux lèvres et je trépigne pour filer ma carte bleue au libraire.

Voilà comment le premier roman d'Elle Newmark a atterri sur ma table de chevet. Situé dans la Venise du XVème siècle, il raconte l'histoire de Luciano, un jeune orphelin qui peine à vivre d'expédients. La tache de naissance sur son front lui vaut d'être recueilli par le chef cuisinier du palais des Doges. Mais à travers les recettes qui lui permettent de manipuler l'humeur des puissants, c'est un héritage bien vaste et bien dangereux que maître Ferrero se propose de transmettre à son protégé...

"The Book of Unholy Mischief" fait partie de ces romans qui ne sont pas des chef-d'oeuvre et dont on ne peut pourtant s'empêcher de tourner les pages pour connaître la suite. Le style de l'auteur est parfois laborieux; on la sent très appliquée notamment dans ses descriptions. C'est lorsqu'il s'agit de nourriture qu'elle semble le plus à l'aise, parvenant avec aisance à recréer l'atmosphère d'une cuisine de palais et dissertant avec brio sur les vertus de tel ou tel aliment. Le personnage de Ferrero, de loin le plus complexe, est directement inspiré de son père, et toute l'histoire semble construite pour le mettre en valeur.

J'aurais aimé que l'accent soit davantage mis sur les luttes politiques déclenchées par le fameux livre, tout en admettant que ça n'aurait pas été logique puisque le narrateur est un gamin des rues inculte qui n'a pas accès aux arcanes du pouvoir. Pourtant l'idée de base, que certains pourraient considérer comme tirée par les cheveux, m'a parue très intéressante. Je serais curieuse de voir ce qu'elle aurait pu donner sous la plume d'un Iain Pears. En l'état, "The book of unholy mischief" a quand même fort bien réussi à me tenir en haleine jusqu'à une fin tragique à souhait.

Sur le thème du livre maudit, je vous conseille également:
- "Le nom de la rose" d'Umberto Eco (ou regardez le film si ce n'est pas déjà fait, il est plus digeste et magistralement interprété)
- "L'ombre du vent" de Carlos Ruiz Zafon, un des meilleurs bouquins que j'ai lus ces dernières années, voire dans ma vie
- "La règle de quatre" de Ian Caldwell et Dustin Thomason

vendredi 9 juillet 2010

"Eat, Pray, Love" & "Committed"


Il y a très exactement quatre ans, je tentais de soigner mon coeur brisé par ma rupture avec l'Homme en lisant "Eat, Pray, Love" d'Elizabeth Gilbert. Dans ce mémoire devenu depuis lors un best-seller mondial et un film avec Julia Roberts, l'auteur raconte comment, suite à un divorce douloureux, elle décide de prendre une année sabbatique pour voyager à la recherche d'elle-même. En Italie, elle apprendra les plaisirs de la nourriture; en Inde, elle découvrira la méditation et la spiritualité; à Bali, enfin, elle retrouvera la sérénité et l'amour. A l'époque, son récit m'avait beaucoup touchée. Pas à cause de son style, ni bon ni mauvais, mais grâce à l'immense sincérité qui transpirait de chacune de ses phrases, à sa façon sans fard et pourtant jamais impudique de raconter ses tourments et ses interrogations. "Eat, Pray, Love" m'avait redonné de l'espoir à un moment où j'en avais bien besoin.

Quelques années plus tard, lors d'une visite chez Waterstone, je découvre qu'Elizabeth Gilbert a publié un nouveau mémoire appelé "Committed", et la curiosité me pousse à l'acheter pour connaître la suite de son histoire. A la fin de "Eat, Pray, Love", elle rencontrait Felipe, un Brésilien de naissance naturalisé australien et vivant en Indonésie, et tous deux entamaient une histoire transcontinentale. Oui mais voilà: un jour, les autorités américaines alertées par les allées-venues incessantes de Felipe menacent de lui interdire l'accès au pays où sont basés à la fois son amoureuse et son commerce de pierres importées. Un mariage semble le seul moyen de contourner le problème, mais obtenir les autorisations nécessaires s'annonce très long.

Alors, pendant une année de plus, Elizabeth et Felipe, virtuellement sans ressources, deviennent nomades en Asie du Sud-Est où la vie ne leur coûte presque rien. Traumatisée par son divorce précédent, l'auteur en profite pour faire des recherches sur l'institution du mariage à travers le monde et les siècles dans l'espoir d'apaiser son appréhension. Elle en tire un livre un peu bâtard, à l'intersection du mémoire, de l'étude historique et de l'essai sociologique, que j'ai eu beaucoup de mal à terminer en dépit de nombreux passages très intéressants. "Committed" soulève toute sorte de questions sur le couple occidental moderne, les notions d'amour conjugal et d'engagement. Mais pour quelqu'un qui, à la base, ne s'interroge pas particulièrement sur la chose, il est d'une lecture un peu aride. On sera néanmoins ravi d'apprendre que les ennuis de l'auteur et de son amoureux se résolvent à la fin.

"Eat, Pray, Love" est publié en français sous le titre "Mange, Prie, Aime"Committed" n'a pas encore été traduit.

dimanche 4 juillet 2010

Lady Doll T1: "La poupée intime"


Gaja est une petite fille pas comme les autres. En butte aux moqueries de ses camarades, à la cruauté de son père et à la dureté de sa gouvernante, elle a pris l'habitude de se réfugier dans un monde imaginaire peuplé par ses poupées. Une seule personne compte encore pour elle: sa mère. Hélas, celle-ci est gravement malade, et son époux cupide complote pour l'éliminer afin de s'emparer de sa fortune...

Les dominantes roses, rouges et oranges qui frappent le regard lorsqu'on ouvre cet album forment un contraste audacieux avec la noirceur du scénario de Daniele Vessella. Beatrice Penco Secchi aurait pu réaliser une bédé toute en ombres; elle a choisi au contraire de faire exploser ses couleurs à chaque case, et elle a bien fait. Si vous aimez les atmosphères victoriennes, les psychodrames grinçants, les costumes travaillés et les grands yeux des héroïnes de manga, "Lady Doll" devrait vous plaire. Mais pour connaître la suite et le dénouement de cette tragédie aux portes de la folie, il vous faudra attendre la parution du tome 2.

mardi 29 juin 2010

"Unseen academicals"


"Unseen Academicals" est le 37ème de la série des Annales du Disque-Monde, de Terry Pratchett. Non, je n'ai pas fait de faute de frappe. 37 romans de 500 pages environ situés dans le même univers, ça paraît incroyable, non? Presque autant qu'un auteur qui continue à écrire un à deux livres par an alors qu'il est atteint de la maladie d'Alzheimer...

Alors bien sûr, je trouve que la qualité de la série a quelque peu décliné au fil du temps. Le dernier tome qui a failli me faire mourir de rire était sans doute le 20ème, "Hogfather", dans lequel la Mort se voyait contrainte de jouer le rôle du Père Noël. Depuis, je n'ai pas toujours apprécié les sujets de satire choisis par Pratchett. "Going postal" ou "Money", par exemple, m'ont laissée assez froide. "Unseen Academicals", qui raconte comment les magiciens de l'Université Invisible montent une équipe de football pour disputer un championnat - un thème d'actualité, même en l'absence de vuvuzelas dans le livre - ne restera pas non plus parmi mes préférés.

N'empêche que le style très reconnaissable de l'auteur est toujours agréable à lire, et que même quand je ne me bidonne pas, je trouve toujours de nombreuses occasions de sourire ou de secouer la tête en me disant: "Bien vu". Pratchett est décidément le roi du jeu de mots; Patrick Couton, son traducteur français, n'a pas volé les nombreuses récompenses qu'il a raflées pour son travail. Et c'est un plaisir de retrouver d'une fois sur l'autre les personnages hauts en couleur auxquels je suis le plus attachée, y compris lorsqu'ils ne jouent qu'un rôle secondaire. Chaque apparition du seigneur Vetinari, de la Mort ou de Mémé Ciredutemps me remplit d'une intense jubilation. Pour le plaisir de me replonger chaque fois dans l'univers loufoque et étrangement cohérent du Disque-Monde, je continuerai à lire les Annales jusqu'au dernier tome.

mardi 22 juin 2010

"Finger lickin' fifteen"


Je me souviens très bien de l'époque où j'ai découvert la série des Stephanie Plum. J'ai dévoré les six qui étaient déjà sortis en poche et, n'y tenant plus, le septième qui n'était encore disponible qu'en grand format en l'espace de quinze jours (délais de livraison Amazon compris.) C'était l'été 2001 et tous les soirs, je me fourrais sous les draps du grand lit que je venais juste d'acheter et de monter moi-même après plus de trois ans passés à dormir dans un clic-clac. J'habitais dans un vieil immeuble aux murs assez épais pour maintenir la chaleur méridionale à distance, mais même à travers ma porte-fenêtre fermée, j'entendais les voitures qui passaient dans l'avenue deux étages plus bas. Je les entendais et je m'en fichais: j'étais trop occupée à me tordre de rire en lisant les invraisemblables (més)aventures de cette chasseuse de primes aussi peu douée que poissarde.

Après ça, j'ai dû attendre un an que paraisse chaque nouveau tome de la série. Et au fil du temps, la qualité de celle-ci n'a cessé de décliner. Les méchants barges et brillants du début sont devenus juste cons; les personnages secondaires excentriques et savoureux ont progressivement viré à la caricature; et les intrigues policières se sont réduites à une peau de chagrin tandis que l'héroïne continuait à hésiter entre les deux hommes de sa vie aux répliques et aux réactions archi-prévisibles. Mais je crois qu'avec le tome 15, on touche définitivement le fond.

C'est comme si Janet Evanovich générait désormais ses bouquins à partir d'une check-list établie par ordinateur. A priori, "Finger Lickin' Fifteen" comporte tous les éléments qui ont fait le succès de la série. Stephanie y détruit le nombre règlementaire de bagnoles et se retrouve successivement couverte de peinture rouge, de sauce barbecue et de farine. Mémé Mazur défouraille à la moindre occasion; Lula continue à s'empiffrer et à porter des fringues improbables; Maman Plum se signe en se demandant ce qu'elle a fait au ciel pour avoir une fille pareille et Papa Plum se réfugie dans la contemplation de son assiette en marmonnant des trucs incompréhensibles; Morelli ou Ranger sont toujours là pour sortir Stephanie du pétrin et lui promettre une nuit torride. Oui, il y a tout dans ce tome 15, sauf peut-être ce qui fait un bon bouquin: une âme. Je me suis ennuyée ferme pendant 370 pages. Une fois de plus, l'incapacité d'un auteur à s'arrêter à temps est en train de gâcher ce qui était à la base une excellente série.

(...dit-elle avant d'attaquer "Unseen academicals", le 37ème tome des Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett.)