samedi 22 mai 2010

"L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet"


Tecumseh Sansonnet Spivet a douze ans. Il vit dans un ranch du Montana entre un père rancher taciturne, une mère entomologiste absorbée par la recherche d'un insecte qui n'existe peut-être pas, une grande soeur qui se désespère d'être entourée de ploucs et le fantôme de son frère cadet victime d'un accident mortel l'année précédente. Mais surtout, T.S. est un cartographe de génie, un petit prodige mû par l'irrésistible besoin de décortiquer et de coucher sur papier le monde qui l'entoure afin de lui donner un sens.

Sans qu'il le sache, son mentor a soumis sa candidature pour le prestigeux prix Baird que décerne chaque année le Smithsonian Institute. Un jour, un monsieur zézéyant appelle T.S. pour l'informer qu'il a gagné et qu'il est attendu à Washington une semaine plus tard, afin d'y lire son discours de remerciement. Bien entendu, il ignore l'âge du brillant lauréat, qui décide de traverser les Etats-Unis par ses propres moyens pour aller chercher son prix. Passionné par la figure romantique des hobos, T.S. devient passager clandestin à bord d'un train de marchandises et se lie d'amitié avec un mobile-home de luxe nommé Valéro...

Magnifique surprise que ce premier roman de Reif Larsen, dont je n'avais jamais entendu parler et à côté duquel j'ai failli passer sans le voir lors de ma dernière descente à la Fnac de Monpatelin. D'abord, il est très beau avec ses multiples illustrations censément réalisées par le jeune héros. Et puis, dès qu'on a plongé dedans, impossible de le lâcher. On craque pour T.S. Spivet, petit garçon précoce et pourtant perplexe face au monde des adultes, enfant curieux de tout dont la véritable histoire se révèle dans les marges de sa grande aventure. On a envie de le protéger, de le guider, de partager ses découvertes et son enthousiasme juvénile.

Roman initiatique pour petits et grands, "L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet" amuse, attendrit et serre le coeur tour à tour. Il fait traverser les plaines rouges et poussiéreuses de l'ouest des Etats-Unis dans le fracas de centaines de tonnes d'acier. Il transporte le lecteur dans le passé pour lui faire partager le combat d'une des premières femmes scientifiques. Il l'instruit et lui donne une furieuse envie de se mettre à dessiner tout et n'importe quoi (ou peut-être que c'est juste moi). Il donne vie à un héros sensible et attachant qui est tout le contraire d'un singe savant. Enfin, il raconte une histoire aussi passionnante que ses personnages. Et en plus de tout ça, il est extrêmement bien traduit par Hannah Pascal. Laissez-vous embarquer: ce voyage-là est de ceux qu'on ne regrette pas!

jeudi 13 mai 2010

"Les déferlantes"


Comme l'héroïne de "Seule Venise", celle des "Déferlantes" a subi un énorme chagrin d'amour dont elle ne parvient pas à se remettre, et pour soigner sa peine, elle est partie en laissant derrière elle tout ce qui lui rappelait trop l'être aimé et perdu. Depuis, cette femme dont nous ne connaîtrons jamais le nom vit à La Hague, minuscule village situé à la pointe du Cotentin où elle observe les oiseaux pour un centre ornithologique. Elle y est entourée d'êtres rudes et taiseux, façonnés par la proximité de la Manche dont les humeurs et les emportements dominent la vie. Lili qui tient le bar où les pêcheurs se retrouvent le soir et qui ne pardonne pas à son père d'avoir aimé une autre femme que sa mère. Théo, l'ancien gardien de phare qui vit entouré d'une horde de chats. Nan qui, après chaque tempête, descend sur la grève chercher les morts que la mer lui a pris quand elle était encore enfant. Raphaël, le sculpteur qui s'acharne à retranscrire la douleur du monde; sa soeur Morgane si belle et si pleine de vie avec qui il entretient une relation ambiguë. Max qui apprend les mots dans le dictionnaire et retape un rafiot en rêvant d'attraper, un jour, un requin-taupe. Monsieur Anselme, vieillard délicat obsédé par Prévert dont il fut l'ami avant sa mort. Un jour, un homme arrive à La Hague. Il semble bien connaître l'endroit et, d'ailleurs, va fleurir des tombes dans le cimetière local. Il est venu chercher une explication à un drame survenu quarante ans plus tôt, une explication que personne ne peut ou ne veut lui fournir. Malgré elle, la narratrice va se laisser entraîner dans sa quête...

J'ai retrouvé dans ce roman tout ce qui m'avait séduite dans "Seule Venise": les phrases courtes et sans fioritures, le romantisme âpre de l'atmosphère, les personnages secondaires intrigants, la lenteur extrême de l'histoire, le charme insidieux qui se distille au fil des pages. Certes, j'ai trouvé que l'héroïne mettait bien longtemps à comprendre qu'un et un ne faisaient pas nécessairement deux, mais qu'importe? "Les déferlantes" n'est pas un roman policier. C'est une oeuvre puissamment évocatrice de la douleur, de la solitude, des secrets jalousement gardés et de toute la gamme des passions humaines. Je suis déjà en train de chercher par quel autre livre je vais poursuivre ma découverte de l'univers de Claudie Gallay dont la sensibilité frémissante me touche tant.

Ce roman a obtenu le Grand Prix des Lectrices de Elle en 2009.

vendredi 7 mai 2010

"Un appartement à New York"


"L'appartement de Susan et Dennis est le port d'attache d'un groupe d'amis, tous originaires du Midwest, venus s'installer à New York dans les années 80 avec des rêves de gosses. Quatre d'entre eux forment un groupe de rock, auteur d'un unique album. En arrivant, tous pensaient que la ville et la vie ne détruiraient pas leur solidarité et ils distribuaient des doubles des clés de l'appartement à quiconque avait besoin d'un toit. Un jour, Alice décide d'aller arroser les plantes en l'absence de Susan, partie en vacances. Tout est si calme qu'elle a du mal à réaliser que Dennis et Craig ne sont pas simplement endormis dans les fauteuils mais morts, une balle dans la tête."

Contrairement à ce que la quatrième de couverture pourrait laisser croire, ce livre n'est en aucun cas un roman policier. Jane Smiley s'attache surtout à dépeindre la décomposition rapide d'une amitié, la façon dont les gens changent au fil du temps et dont leur évolution les éloigne les uns des autres. Le meurtre de deux des membres de la bande met à jour les secrets de chacun, les rancoeurs qui fermentent en silence depuis des années et la solitude profonde des survivants. "Un appartement à New York" n'est pas dénué d'un certain suspens, mais c'est avant tout une étude psychologique que j'ai dévorée malgré des personnages peu attachants et une traduction trop littérale à mon goût (non, "anyway" ne signifie pas systématiquement "de toute façon"!). Un roman qui date du début des années 80 mais dont les thèmes ont assez bien vieilli pour ne pas qu'il semble daté. Simplement, si c'était à refaire, je le lirais en VO.