lundi 30 août 2010

"L'effet Larsen"



L'avantage des grands trajets en train, c'est qu'on peut s'y adonner à la lecture sans remords, puisqu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire, et pendant des heures sans être interrompu. Vendredi, j'ai donc profité des 5h30 du Monpatelin-Toulouse pour engloutir le nouveau roman de Delphine Bertholon dont j'avais adoré "Twist" il y a deux ans.

Eté 1998. Nola, 18 ans, devrait être en train de se dorer la pilule en Grèce avec ses deux meilleures amies pour fêter sa majorité et l'obtention de son bac. Mais quelques mois plus tôt, elle a perdu son père adoré dans des circonstances tragiques et dû quitter le charmant pavillon familial de Montreuil pour une vieille maison bizzaroïde et déprimante. Tandis qu'elle travaille dans un bar à ivrognes pour gagner quelques sous, sa mère sombre peu à peu dans une maladie qui va bien au-delà de la simple dépression et semble motivée par une mystérieuse culpabilité...

L'histoire de cette jeune fille dont l'univers a implosé et qui tente malgré tout de continuer à mettre un pied devant l'autre ne m'a touchée qu'à moitié. A aucun moment de ma lecture je n'ai réussi à me représenter Nola ni à "entendre" réellement sa voix, et je serais bien en peine d'expliquer pourquoi. J'aime toujours autant l'écriture vive et sensible de Delphine Bertholon, et j'ai apprécié la galerie de personnages secondaires un peu cassés par la vie qu'elle développe dans ce roman: les voisins de Nola, la bande des piliers de comptoir... Mais son héroïne m'est restée transparente tout du long. Du coup, je ne peux pas dire que "L'effet Larsen" m'aura beaucoup marquée.

dimanche 29 août 2010

"Quand vous lirez ce livre..."


Après avoir terminé une traduction de plus de 1100 pages dont 75% de scènes de fesses hyper-graphiques, j'avais envie de fraîcheur et d'innocence (tout arrive).
J'ai d'abord tenté un recueil de nouvelles d'Eric-Emmanuel Schmidt, "Odette Toulemonde et autres histoires". Je sais que les livres de cet auteur sont souvent moqués, mais ayant apprécié quelques oeuvres très populaires comme "La première gorgée de bière" de Delerm, "Ensemble c'est tout" d'Anna Gavalda ou absolument tous les bouquins de Nicole de Buron, je préférais me faire une opinion par moi-même.
Ben, c'est pas aussi abyssal que du Marc Lévy, mais j'ai trouvé ça sans grand intérêt. J'ai arrêté vers le milieu et enchaîné sur un poche trouvé par hasard à la Fnac la veille: "Quand vous lirez ce livre...".
Sam a 11 ans; il est atteint d'une grave leucémie et les médecins ne lui donnent que quelques mois à vivre. Alors, il décide d'écrire un livre dans lequel il consignera son histoire et se lance dans la réalisation de sa liste des "8 choses à faire avant de mourir".
Je sais, pour quelqu'une qui veut se changer les idées, je choisis peut-être des thèmes un peu plombés. Mais curieusement, malgré un sujet sensible et pas vraiment gai, ce roman est bel et bien plein de fraîcheur et d'innocence. Avec beaucoup de tendresse et sans jamais verser dans le pathos, Sally Nicholls accompagne son jeune héros sur le chemin de l'acceptation de sa propre fin. Une lecture rapide et émouvante, dont on sort pourtant étrangement apaisé.

lundi 16 août 2010

"Obsessive consumption"


Samedi après-midi en flânant chez Cook&Book (a.k.a "my favorite place in Brussels"), je suis tombée sur le livre d'une graphiste qui, depuis plusieurs années, s'astreint à dessiner chaque jour une chose qu'elle achetée en ajoutant la date, le prix et éventuellement quelques précisions manuscrites sur l'objet concerné.

Dans l'introduction de "Obsessive Consumption: What Did You Buy Today?", Kate Bingaman-Burt écrit: "I draw objects that are rather ordinary: Coke cans, Post-it notes, toilet bowl cleaner - sundry items that a lot of consuers have a shared experience with; items that we interact with but don't really think about. I love documenting the mundane and, in turn, putting a personal face on something that is mass-produced. I make work about personal consumerism, market economics, guilt, joy, excess, more guilt, gifst, celebration, repetition, and the community of these shared experiences."

Les gens qui suivent ce blog depuis un certain temps l'auront remarqué: j'ai une relation amour-haine avec le concept de consommation. D'un coté, je trouve ça désespérément creux et potentiellement suicidaire: il y a quand même des choses plus intéressantes à faire dans la vie que les magasins, surtout quand on sait que nous sommes en train d'épuiser les ressources de la planète à la vitesse grand V. Et d'un autre côté... Ooooh, les jolies chaussures! Il me les faut, il me les faut, il me les faut! J'ai bien du mal à trouver un équilibre entre les deux extrêmes, le point de consommation juste qui permet de se faire plaisir sans culpabiliser ni s'encombrer l'espace et l'esprit pour rien. Donc bien entendu, j'ai sauté sur cette occasion de décortiquer le mode de vie d'une autre Occidentale née dans un pays riche où presque tout lui est accessible.

Mais je ne me suis pas arrêtée là, décidant de reproduite l'expérience de Kate Bingaman-Burt. J'avais justement un petit carnet Clairefontaine à spirale, épais avec du beau papier blanc, qui me semblait idéal pour ce genre d'entreprise. Je sais: je tiens déjà un agenda quotidien et un 5-year diary dans lequel je note une phrase marquante chaque jour, mais je ne me lasse jamais d'exploiter mon quotidien. Certains se divertissent en écrivant des romans situés dans des univers inventés de toutes pièces; moi, ce que j'aime, c'est étudier les petits riens qui font ma vie de tous les jours. Oui, je suis terre-à-terre. Chacun son vice.

Je me suis fixé comme règle de dessiner directement à l'encre et très rapidement, contrairement à ce que je fais dans mes carnets de voyage ou pour mes portraits de chaussures. Le but est de s'exercer quelques minutes chaque jour pour acquérir l'aisance et l'assurance qui me manquent encore. Mon seul achat d'aujourd'hui a été ma souscription à un atelier en ligne proposé par Elise Blaha, une scrapeuse américaine dont je suis le blog depuis plus de deux ans. Comment dessiner quelque chose d'intangible? Chez moi, voici ce que ça donne...

mercredi 11 août 2010

"The gargoyle"


Alors qu'il rentre chez lui en voiture après une nuit de débauche, un homme voit jaillir une volée de flèches enflammées du bois qui borde la route. Il donne un coup de volant; sa voiture tombe dans un précipice et prend feu. Il survit miraculeusement, mais dans un tel état qu'il commence aussitôt à planifier son suicide. Car avant son accident, cet homme dont nous ne connaîtrons jamais le nom était un acteur et un réalisateur de films pornos, personnage cynique et sans scrupules dont toute l'existence était basée sur son pouvoir de séduction. Désormais, il est défiguré, en proie à une douleur atroce et mutilé de la pire des façons pour lui, puisque les flammes ont dévoré son pénis. Ce qui reste de sa vie ne vaut plus la peine d'être vécu, songe-t-il. Jusqu'au jour où une patiente de l'aile psychiatrique voisine fait irruption dans sa chambre et entreprend de lui conter une incroyable histoire. Selon elle, ils se sont connus et aimés sept siècles auparavant, alors qu'elle était une jeune nonne prodigieusement douée pour les langues et lui un mercenaire grièvement blessé au cours d'une bataille par... une flèche enflammée.

J'ai eu beaucoup de mal à dépasser les premiers chapitres de "The Gargoyle". Pour une petite nature comme moi, la description détaillée de la souffrance causée par des brûlures au 3ème degré et du traitement à appliquer à la victime était quasi insoutenable. Néanmoins, quelque chose m'a poussée à continuer. Pas la sympathie que je pouvais éprouver pour le narrateur, qui n'en inspire aucune même si l'on peut comprendre qu'il soit devenu ce qu'il est après une enfance passablement traumatisante. Mais j'aimais déjà le style prenant de l'auteur et l'atmosphère gothique qui se dégageait de ce roman. Puis Marianne Engel est entrée en scène, et il n'a plus été question d'abandonner ma lecture. Comme le narrateur, j'ai été séduite par cette femme mystique et exaltée, sculptrice de talent spécialisée dans les gargouilles grotesques qu'elle prétend ne pas créer mais "libérer de la pierre". Je me suis laissée envoûter par les histoires d'amour tragiques dont, telle Schéhérazade, elle entrecoupait le récit de sa propre existence. Je me suis demandé si elle était folle ou si elle avait réellement vécu toutes ces choses et rencontré tous ces gens. J'ai retenu mon souffle en attendant de voir ce qui se passerait lorsqu'elle aurait fini de restituer mille coeurs selon les instructions de ses Trois Maîtres. J'ai cogité sur les notions de dépassement de soi et de rédemption. Et malgré de nombreuses questions laissées sans réponse à la fin, j'ai refermé "The gargoyle" avec la certitude que c'était un livre qui resterait longtemps avec moi.

Cet ouvrage est disponible en français sous le titre "Les âmes brûlées".