vendredi 19 août 2011

"Une bonne épouse indienne"



Parfois, je reste trois mois sans tomber sur un bouquin qui m'enthousiasme; et parfois, j'en enchaîne plusieurs à la suite. A défaut de météo merveilleuse, cet été aura au moins été placé sous le signe de la bonne, voire très bonne pioche littéraire.

Dès qu'il a pu le faire, Suneel Sarath a échappé à sa famille indienne pour partir étudier à l'université de Stanford. Devenu anesthésiste, il a changé son prénom en Neel, s'est acheté un bel appartement à San Francisco et trouvé une très blanche et très blonde maîtresse censée le guérir de son sentiment d'infériorité raciale. Il a désormais 35 ans, et aucune intention de se ranger alors qu'il vit au pays de tous les possibles. Mais lors d'une visite à sa famille, il se fait piéger par sa mère et son grand-père et, avant d'avoir compris ce qui lui arrivait, il se retrouve marié à une femme qu'il n'a rencontrée qu'une seule fois auparavant.

Leila a 30 ans. Elle est belle et intelligente, mais issue d'une famille pauvre qui ne peut pas lui procurer une bonne dot. Et surtout, un incident dans son passé entache sa réputation, de sorte qu'aucun des hommes que lui ont présentés ses parents n'a accepté de l'épouser. Jusqu'au jour où ce riche médecin américain a, semble-t-il, le coup de foudre pour elle. Mais quand il refuse de consommer leur union, la ramène aux USA sans lui adresser la parole plus de deux fois et prend l'habitude de la laisser seule tous les soirs dans son appartement si froid, Leila se retrouve complètement perdue, très loin des siens et de tout ce qu'elle connaît avec un mari dont elle ne comprend pas l'indifférence...

"Une bonne épouse indienne" raconte la genèse et l'évolution d'un mariage arrangé qui, contre toute attente, va se changer en histoire d'amour. Bien sûr, en tant qu'occidentale, jamais je n'aurais imaginé épouser quelqu'un que mes parents avaient choisi pour moi, et encore moins adopter une attitude soumise et conciliante envers un homme pour qui je n'étais clairement qu'une gêne. Cela dit, la moitié des mariages d'amour se terminant par un divorce, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé des mariages arrangés - ceux qui sont décidés, non pas en fonction de la dot comme je crains que ça arrive souvent, mais en fonction de la compatibilité des futurs époux. Quand l'objectif est de fonder un foyer stable et non pas de se réaliser affectivement comme c'est si important dans nos pays occidentaux, j'imagine que le mariage arrangé apparaît comme une solution logique. La soumission automatique de la femme à son époux reste une tout autre question.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas eu l'impression qu'Anne Cherian tentait de faire l'apologie des mariages arrangés, mais plutôt qu'elle s'appliquait à retranscrire le choc des cultures et l'évolution de deux êtres que beaucoup de choses séparent a priori. Au début du roman, j'approuvais à fond les arguments de Neel pour ne pas céder à sa famille; j'étais même indignée de sa part, et je brûlais d'envoyer bouler sa mère et son grand-père. Puis Leila est entrée en scène comme un soleil dont la chaleur discrète contrastait très fort avec la froideur de son mari. Impossible de ne pas aimer ce personnage de femme à la fois respectueuse des traditions et déterminée à être heureuse. Sa docilité apparente cache une grande volonté, ainsi que beaucoup d'esprit et de caractère tenu en laisse mais qu'elle laissera peu à peu s'épanouir. L'auteur sait nous faire partager ses doutes et tout le cheminement intérieur qui lui permettra enfin de conquérir son mari.

Que dire d'autre? C'est bien écrit, bien traduit et les 500 pages de la version poche défilent toutes seules. Lisez-le.

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