lundi 31 décembre 2012

"Brooklyn"



Dans les années 50. Eilis Lacey habite une petite ville irlandaise avec sa mère et sa soeur aînée. Ses trois frères ont déjà dû se résoudre à partir travailler en Angleterre quand une opportunité se présente à la jeune fille: une place de vendeuse dans un grand magasin à... Brooklyn. Bien que ne voulant quitter ni sa famille ni le seul endroit qu'elle ait jamais connu, Eilis embarque courageusement à bord d'un transatlantique. 

L'adaptation à la vie new-yorkaise est très difficile pour la jeune fille. Mais peu à peu, celle-ci trouve ses marques, s'inscrit à des cours du soir pour passer un diplôme de comptabilité et rencontre Mario Tony, un adorable plombier italien animé par les intentions les plus honorables à son égard. Puis, alors qu'ils commencent à parler mariage, un drame survient en Irlande, contraignant Eilis à rentrer chez elle, et son ancienne vie la happe de nouveau comme si elle n'était jamais partie. Des deux existences qui s'offrent à elle, laquelle choisira la jeune fille? 

J'ai acheté ce roman après avoir lu une critique qui le qualifiait de chef-d'oeuvre. Je trouve cette appréciation fort exagérée. Certes, "Brooklyn" se laisse lire agréablement; c'est une peinture très juste du tiraillement familier à tous les expatriés, et une plongée intéressante dans la vie d'une immigrée économique au milieu du XXème siècle. Cependant, Eilis est une héroïne extrêmement fade, qu'on ne voit jamais manifester ni opinions ni goûts personnels. J'ai beaucoup compati à son dilemme, mais jusqu'à la fin, elle laisse les circonstances décider à sa place. Ce qui était sûrement la façon dont les choses se passaient pour la plupart des femmes à cette époque - mais j'attendais autre chose d'un personnage de roman. 

samedi 29 décembre 2012

"La tendresse des crocodiles" et "L'ivresse du poulpe"


Nous sommes en 1921. Le professeur Modeste Picquigny a disparu en Afrique alors qu'il cherchait le Mokélé Mbêmbé, un monstre antédiluvien. Jeanne, son intrépide fille unique, s'efforce de le retrouver avec l'aide d'Eugène Love Peacock, ivrogne solitaire et néanmoins grand coureur de jupons... 

Réédités en un seul volume par Casterman, "La tendresse des crocodiles" et "L'ivresse du poulpe" racontent les deux premières grandes aventures de Jeanne Picquigny à travers le vaste monde. Autour d'une héroïne au caractère bien trempé gravitent des personnages secondaires savoureux, parfois un peu cinglés, qui ne se font guère d'illusions sur la nature humaine et ont renoncé depuis belle lurette à trouver un sens à la vie. Pourtant, chacun d'eux profite de l'existence à sa manière teintée d'ironie ou de mélancolie. 

Les dessins très noirs et comme gribouillés de Fred Bernard ne plairont pas à tout le monde. J'ai mis quelque temps à apprécier leur beauté peu évidente, et surtout la façon dont ils contribuent à créer une atmosphère intensément charnelle, voire teintée de mysticisme. Cela fait, je me suis laissée happer par la trajectoire hors du commun d'une héroïne profondément libre et vibrante, femme à l'esprit indomptable qui ne cesse de choisir sa vie et d'assumer ses erreurs. La suite de ses aventures est déjà dans ma PAL, et quand je l'aurai terminé, je relirai très volontiers le volume consacré à sa petite-fille Lily Love Peacock, qui m'avait charmée en 2006.





jeudi 27 décembre 2012

"Odd hours"


Un mois et demi après avoir quitté le monastère de St. Bartolomew et dit adieu au fantôme d'Elvis, Odd Thomas vit dans la petite station balnéaire de Magic Beach, où il travaille comme cuisinier et homme à tout faire d'un vieil acteur hollywoodien. Assailli par d'horribles cauchemars dans lesquels il voit le ciel virer au rouge et l'océan prendre feu, notre héros va se promener sur la jetée envahie par le brouillard. Il y rencontre d'abord une très jeune femme enceinte qui lui demande de devenir son protecteur, puis une bande d'affreux qui semblent directement liés à ses visions apocalyptiques...

(Attention, spoilers!) Dis, M. Koontz. Je sais que dans ma critique du tome 3 de ta série "Odd Thomas", j'ai écrit que j'aimais ton héros au point d'endurer n'importe quelle histoire débile pour continuer à le suivre. Mais... des terroristes qui s'apprêtent à récupérer quatre têtes nucléaires pour mettre les Zuess à feu et à sang afin de créer un ordre nouveau - sérieusement? J'ai trouvé ça tellement hors de propos que je me suis contentée de survoler des chapitres entiers de ton tome 4. D'autant qu'à bien y regarder, il ne se passe réellement que trois ou quatre trucs que tu étires chaque fois sur près d'une centaine de pages. 7 chapitres entiers pour raconter que ton héros saute à l'eau afin d'échapper aux méchants, c'est un poil abusé, tu ne trouves pas? Ca sent l'auteur qui avait à peine assez d'idées pour rédiger une novella et qui n'a pas trop voulu se casser la tête à développer davantage son scénario. 

Par ailleurs, mettre tes convictions outrageusement républicaines dans la bouche d'un personnage pacifiste, tolérant et dénué d'ambition, ça le fait moyen niveau crédibilité. Je n'ai pas aimé non plus que tu omettes d'expliquer le comportement étrange des coyotes et que tu laisses autant de choses en suspens quant à la mystérieuse Annamaria. Je reconnais toutefois qu'à ce stade de l'indigence scénaristique, tu n'avais pas beaucoup d'autres moyens de m'obliger à acheter ton tome 5. Parce que je suis bonne fille, je vais quand même concéder que j'aime toujours autant tes personnages secondaires (mais pas tes méchants atrocement stéréotypés), ainsi que la façon dont tu utilises des conditions météo extrêmes pour renforcer l'ambiance de chaque tome de ta série. Il faudrait néanmoins voir à redresser un peu la barre dans "Odd Apocalypse" qui sort d'ici quelques jours, sinon, je ne garantis plus rien. Merci, bisous. 

lundi 24 décembre 2012

La belle histoire de mémé Misao et de son matou Fukumaru



Il y a 12 ans, la photographe japonaise Miyoko Ihara, désireuse de conserver une trace de la vie de sa grand-mère, a commencé à la prendre en photo dans sa petite maison à la campagne ou au travail dans les champs alentour. Et puis un jour, mémé Misao a trouvé dans sa cabane à outils un chaton aux yeux étranges - l'un jaune et l'autre bleu. Elle l'a appelé Fukumaru, dans l'espoir que le dieu de la chance (fuku) viendrait à travers lui aplanir toutes les difficultés pour rendre sa route fluide comme le tracé d'un cercle (maru). 


Très vite, une grande complicité est née entre la vieille dame et son petit protégé, qui ont pris l'habitude de tout faire ensemble: manger, dormir, cueillir fruits et légumes... Misao, aujourd'hui âgée de 88 ans, est devenue sourde avec l'âge, tandis que Fukumaru a toujours eu des problèmes d'audition. C'est avec des regards et des caresses que ces deux-là se parlent. 


Miyoko Ihara a immortalisé leur quotidien dans un livre touchant, à la fois documentaire en images sur la vie dans le Japon rural, ode à la beauté du quotidien et magnifique témoignage de l'amitié entre un humain et un animal. Oubliez Amazon, où cet ouvrage n'est plus disponible que chez des vendeurs tiers à un prix ahurissant, et rendez-vous plutôt sur la page de l'auteur



Misao et Fukumaru vous souhaitent un Joyeux Noël! 


mardi 18 décembre 2012

"La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis"




Il y a des livres qu'on découvre au mauvais moment, à une période où on n'est pas capable d'apprécier leurs qualités pourtant réelles. A regret, on les classe dans la catégorie des rendez-vous manqués. Et puis il y a ces moments de grâce où un livre tombe à pic dans une vie, où il est pile ce qu'il fallait pour nous changer les idées, répondre à nos interrogations ou nous apporter le réconfort dont nous avions tant besoin. C'est ce type de rencontre miraculeuse que je viens de faire avec le dernier roman de Francis Dannemark.

Max est psychologue. Veuf avec deux grands enfants, il habite seul une belle maison bruxelloise dont il n'a plus les moyens d'assurer l'entretien, et qui tombe doucement en ruines autour de lui. Pourtant, il ne peut se résoudre à quitter ce lieu doté d'une âme. Tous les mercredi soir, Max accueille une bande de cinéphiles âgés de 38 à 74 ans qui viennent visionner des chef-d'oeuvre du 7ème art, mais aussi et surtout se réchauffer au feu de leur amitié mutuelle. Et tandis que l'hiver cède la place au printemps, puis à l'été, les problèmes de chacun vont trouver leur réponse grâce à la bienveillance du reste du groupe... 

Au sujet de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", j'écrivais récemment: "Scénario virtuose, mais ne suscite aucune émotion chez le lecteur". De "La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis", je dirais exactement le contraire: il n'y a pas d'histoire à proprement parler, juste une sorte de chronique du temps qui passe, mais de la chaleur humaine, ça par contre, il y en a à revendre. Avec un style sans fioritures, des chapitres courts aux titres plutôt cocasses et beaucoup de tendresse pour ses personnages, Francis Dannemark* évoque le changement des saisons, la magie du cinéma et l'amitié qui n'est jamais qu'une forme particulière de l'amour. Il livre un roman  sans prétention, mais plein de charme et de sagesse tranquille, qui m'a réchauffé le coeur en une période difficile. Qu'il en soit infiniment remercié. 

*qui, comme son nom ne l'indique pas, est un écrivain belge de la même façon que François Hollande est un président français (tout est dans le doublement discret de la consonne) 

mardi 11 décembre 2012

"La vérité sur l'affaire Harry Quebert"


Ce roman multi-primé fait beaucoup parler de lui depuis la rentrée littéraire. La plupart de ses lecteurs l'encensent, tandis qu'une poignée le descend en flammes et déclare ne pas comprendre les raisons de son succès. 

"A New York, au printemps 2008, alors que l'Amérique bruisse des prémices de l'élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente: il est incapable d'écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur d'ici quelques mois. 

Le délai est près d'expirer quand soudain tout bascule pour lui: son ami et ancien professeur d'université, Harry Covert Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d'avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille avec qui il aurait eu une liaison. 

Convaincu de l'innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements: l'enquête s'enfonce, et il fait l'objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d'écrivain, il doit absolument répondre à trois questions: Qui a tué Nola Kellergan? Que s'est-il passé dans le New Hampshire à l'été 1975? Et comment écrit-on un roman à succès? "

Malgré un emploi du temps chargé, il ne m'a fallu que trois jours pour dévorer ce pavé de 670 pages. Bien que je ne sois pas particulièrement amatrice de romans policiers, et n'aie donc guère de points de comparaison, j'ai trouvé l'intrigue de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" extrêmement bien ficelée. Après un démarrage un peu lent, les révélations distillées au compte-gouttes commencent à peindre un tableau très différent de celui présenté par la justice. Et quand le lecteur croit tenir le fin mot de l'histoire, un retournement de situation bouleverse complètement la donne, le laissant hébété sur le carreau, avant qu'une ultime révélation ne vienne l'achever. 

Réellement, l'histoire est menée de main de maître, avec de nombreux allers-retours dans le passé qui ne lui font jamais perdre sa cohérence mais, au contraire, permettent d'en dévoiler peu à peu les éléments d'une manière percutante. "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" est un roman à la construction d'une virtuosité remarquable, et dans lequel je n'ai repéré aucune incohérence. 

Pour autant, il n'est pas exempt de défauts. L'histoire entre l'écrivain de 34 ans et la jeune fille de 15 m'a semblé d'une mièvrerie absolue. Jamais il n'est question de chair entre eux, juste d'un amour si pur et si absolu qu'il en devient atrocement gnan-gnan, et de surcroît peu crédible. De la même façon, les extraits du soi-disant chef-d'oeuvre écrit par Harry Quebert pour sa dulcinée sont assez affligeants, et les conseils sur l'écriture dispensés au début de chaque chapitre, d'une platitude risible. 

Mais le plus dommage, c'est l'aspect caricatural de certains personnages: la mère juive de Marcus, toujours en train de le houspiller au téléphone pour savoir pourquoi il n'est pas encore marié; le flic local bourru et désagréable mais qui révèle très vite un coeur d'or; l'avocat aux dents longues et l'éditeur qui se fout de publier de la merde pourvu que ça se vende... A côté de ça, la plupart des membres du casting ont à peu près autant de substance que des fantômes. Jamais je ne les ai réellement vus s'animer sur le papier, à l'exception de Nola Kellergan, morte depuis trente-trois ans et plus vivante que tous les autres réunis. 

En conclusion, "La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" est ce genre de bouquin que l'on a plaisir à lire et que l'on ne prendra pas trop de risques à offrir pour Noël. Mais malgré une histoire sacrément bien foutue, il lui manque ce petit supplément d'âme qui fait qu'un roman laisse une trace durable dans le coeur du lecteur. 

mercredi 5 décembre 2012

"Brother Odd"


Fatigué des exigences que ses dons paranormaux font peser sur lui, Odd Thomas s'est réfugié dans un monastère de montagne afin d'y trouver la paix. Mais une nuit, alors que le jeune homme attend à sa fenêtre de contempler la première neige de sa vie, il voit passer la silhouette noire d'un bodach. Signe d'un carnage imminent, l'apparition se dirige vers l'hôpital pour enfants handicapés tenu par les nonnes du couvent voisin...

Ce troisième tome de la série "Odd Thomas" est aussi le premier qui ne soit pas encore disponible en français. J'espère qu'une traduction ne tardera pas, car après un premier tome génial et un deuxième tome décevant, Dean Koontz redresse ici la barre de manière tout à fait satisfaisante. Je n'ai pas été emballée par le scénario, dont la résolution m'a en outre paru un peu rapide. Par contre, je me suis totalement laissée prendre par l'atmosphère très particulière du monastère isolé pendant une tempête de neige apocalyptique.

J'ai adoré toute la galerie des personnages secondaires: les nonnes coriaces, les moines au passé parfois surprenant, les enfants à l'histoire poignante, le mystérieux bibliothécaire russe... J'ai savouré les nombreux dialogues dont l'humour décalé m'a enchantée d'un bout à l'autre; j'ai eu le coeur serré par les échanges d'Odd Thomas avec un jeune handicapé physique et mental prodigieusement doué pour le dessin. J'ai moins apprécié les opinions personnelles dont l'auteur saupoudre la narration, essentiellement parce qu'elles me semblent mal coller avec le caractère de son héros. Et à la fin, j'ai été déçue qu'Odd Thomas ne rentre pas à Pico Mundo, car j'aimerais revoir ses amis du premier tome.

"Brother Odd" est un roman inégal: il possède pas mal de défauts, mais aussi ce genre de qualités qui touchent le lecteur d'une manière difficile à expliquer. Avec son intelligence émotionnelle hors du commun, Odd Thomas est un personnage infiniment attachant jusque dans la moindre de ses pensées, le moindre de ses gestes. Dean Koontz pourrait me raconter ses vacances à la plage que je les lirais quand même avec plaisir. 

mardi 27 novembre 2012

"L'ami Odd Thomas"


C'est toujours difficile d'enchaîner après un premier tome génial. Dean Koontz ne fait pas exception à la règle avec cette suite des aventures d'un des héros les plus attachants dont j'aie jamais fait la connaissance dans les pages d'un livre. 

Quelques mois après les événements racontés dans "L'étrange Odd Thomas", le jeune cuisinier qui voit les morts peine à se remettre de la tragédie qu'il a vécue. "J'ai vingt-et-un ans, dit-il au début du chapitre 1, et je suis beaucoup plus vieux que quand j'en avais vingt." Un soir, son ami d'enfance Danny Jessup, atteint de la maladie des os de verre, est enlevé à son domicile de Pico Mundo. Odd Thomas utilise son don de magnétisme psychique pour le retrouver. Pendant les trois quarts du bouquin, il va jouer au chat et à la souris avec les ravisseurs de Danny, dans un casino abandonné grouillant de spectres. 

Franchement, c'est chiant. 

Pourtant, malgré une quasi absence d'intrigue policière et des méchants en carton-pâte, malgré l'absence de scènes choc comme la rencontre avec les parents du héros ou la révélation finale du premier tome, j'ai dévoré "L'ami Odd Thomas" (en VO). L'histoire ne m'intéressait pas du tout, mais j'étais plus que jamais sous le charme si particulier du narrateur: son dévouement et son fatalisme, sa mélancolie et sa foi, son humour et sa modestie. Avec Odd Thomas, Dean Koontz a réussi à créer un héros singulier dont la voix me happe en trois lignes. Le prochain tome de la série est déjà dans ma PAL.

"Le Nao de Brown"


Après la déception provoquée par "Omni-visibilis", "5000 kilomètres par seconde", "La vie avec Mr. Dangerous" et "Tonoharu", je m'étais juré de ne plus jamais acheter de bédé recommandée par Pénélope Bagieu dans ses chroniques vidéo. Pourtant, après avoir entendu la dernière, je n'ai pas pu m'empêcher de foncer chez Brüsel pour jeter un coup d'oeil à "Le Nao de Brown". En 3 pages feuilletées et autant de secondes, j'étais tellement convaincue par le graphisme que je me foutais presque de savoir si l'histoire serait à la hauteur. 

Nao est une jeune femme métisse anglo-japonaise. Ravissante et férue de mangas, elle travaille dans une boutique d'art toys pour compléter le maigre revenu fourni par ses illustrations. Et dans son temps libre, elle fréquente un centre bouddhiste pour essayer de trouver la paix intérieure. Car depuis toujours, Nao est la proie d'hallucinations ultra-violentes dans lesquelles elle se voit faire du mal aux gens qui l'entourent - et auxquelles elle attribue une note sur 10 selon le niveau de satisfaction qu'elles lui procurent...

Franchement, les aquarelles de Glyn Dillon sont somptueuses. Jugez par vous-mêmes:





Pour le reste, j'ai été très touchée par l'histoire de cette jeune femme malade dans sa tête, en proie à une souffrance invisible pour les autres. Qui pourrait soupçonner qu'une violence pareille se cache derrière un si joli et si exotique minois? Qui pourrait se rendre compte de la torture que représentent pour Nao certaines situations des plus banales, comme prendre l'avion ou côtoyer une femme enceinte? Et malgré ça, "Le Nao de Brown" n'est pas une bédé plombante. La vie de l'héroïne ne se résume pas à ses troubles mentaux: on voit l'amitié qui la lie à sa colocataire et à son patron, la naissance de son histoire d'amour avec un réparateur de machines à laver poète, philosophe et ivrogne.... Dans la catégorie "tranche de vie", Glyn Dillon ne craint pas d'explorer la noirceur enfouie de ses personnages sans en faire tout un drame. Je regrette juste la fin, un peu rapide à mon goût et jouant sur une explication qui me hérisse. 

"Le Nao de Brown" fait partie de la sélection du prochain Festival d'Angoulême.

jeudi 22 novembre 2012

Supermarket Sarah et ses "Wonder Walls"




Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. En 2009, Sarah Bagner cherche un moyen de se distinguer des autres sites internet pour vendre ses trouvailles mode vintage et ses objets customisés. Elle décide de les exposer sur un pan de mur dédié. Le succès de Supermarket Sarah est tel que très vite, de grandes marques font appel à elle pour créer des displays temporaires en magasin. Sarah voyage à travers le monde pour son boulot et rencontre toutes sortes de designers qui partagent sa passion pour la décoration. Cet été, elle a sorti un ouvrage compilant les shootings réalisés chez certains d'entre eux, de Londres à Tokyo en passant par la Suède. 







Si comme moi vous avez tendance à amasser des séries d'objets d'un même type ou sur un même thème, et si comme moi vous aimez les intérieurs colorés, bien rangés mais plutôt foisonnants et pleins de personnalité, vous avez encore le temps de vous faire offrir "Supermarket Sarah Wonder Walls: A Guide to Displaying Your Stuff!" pour Noël!

mercredi 21 novembre 2012

"Le passeur du temps"


J'avoue: j'aurais dû me méfier de la mention "Vendu à plus de 5 millions d'exemplaires dans le monde" - ou de son équivalent anglais, puisque j'ai acheté et lu ce roman en VO. Mais de temps en temps, je suis prise d'un étrange accès d'humilité. J'essaie alors de mettre mon snobisme littéraire en veilleuse, de ne pas me dire qu'un ouvrage populaire est forcément une daube infâme. Surtout si sa construction me rappelle fortement le génial "La voleuse de livres": chapitres courts avec saut de ligne après presque toutes les phrases, têtes de paragraphes en gras, incarnation d'un concept (la Mort dans un cas, le Temps dans l'autre). 

Vous voulez que je vous fasse une confidence? L'humilité, c'est vachement surfait. C'est le genre de truc à cause duquel vous vous retrouvez assise dans un train pour un voyage de près de 7h, sans aucune autre distraction que la prose surfaite d'un sous-Paulo Coelho qui repompe éhontément les trouvailles narratives de Dickens pour tenter de donner de la substance à sa barbe à papa littéraire.

(Excusez-moi, je marque une petite pause pour reprendre mon souffle.)

Donc à la base (et là je vais vous spoiler, mais c'est pour vous faire économiser 18€), on a l'historiette simpliste du gars qui jadis inventa la mesure du temps. Condamné à l'immortalité pour avoir voulu sauver sa femme d'une épidémie, il ne pourra trouver le repos qu'après avoir enseigné la valeur du temps à une ado en pleine tentative de suicide suite à un râteau monumental, et à un vieillard richissime atteint d'un cancer en phase terminale qui tente de se faire cryogéniser. En leur montrant ce que sera l'avenir s'ils réussissent, il les dissuade d'altérer le cours naturel de leur vie. C'est censé, j'imagine, avoir valeur de fable à la morale universelle et profonde comme mon ennui pendant près de 7h; mais ça ne réussit qu'à être mièvre et désespérément creux. A mon humble avis.

Ah non, on avait dit que j'arrêtais l'humilité. Donc voilà, ce bouquin est naze, ne l'achetez pas.

De rien. 

lundi 19 novembre 2012

"Une place à prendre"


A Pagford, paisible bourgade du sud-ouest de l'Angleterre, Barry Fairbrother vient de décéder brutalement. Le siège de conseiller paroissial qu'il laisse vacant va susciter toutes les convoitises, et l'élection de son remplaçant mettre toute la petite communauté en émoi... jusqu'au drame. 

"Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir": tel pourrait être le sous-titre du nouveau roman de J.K. Rowling. L'auteur de la série "Harry Potter" avait bien prévenu qu'elle écrivait cette fois une oeuvre pour adultes, mais j'avoue que je ne m'attendais pas à une peinture aussi noire de la nature humaine. Loin de toute magie, la vingtaine de héros de ce roman choral rivalise de petitesse et de veulerie. Tous les adultes, apparemment membres respectables de la société, sont animés par les pulsions les plus méprisables qui soient. Face à eux, une poignée d'adolescents se débat pour exister tant bien que mal, et plutôt mal que bien en règle générale. 

Par bien des aspects, "Une place à prendre" est extrêmement plombant; j'imagine que c'est la raison pour laquelle il a reçu des critiques aussi mitigées. C'est un peu son paradoxe: on le lit parce que c'est le dernier J.K. Rowling, mais on ne peut véritablement l'apprécier qu'en oubliant que c'est le dernier J.K. Rowling. Car au-delà de sa cruauté, il s'agit d'une brillante satire sociale avec des personnages très bien croqués, des histoires individuelles qui s'entremêlent toutes les unes aux autres (et on reconnaît là le souci du détail dont J.K. Rowling a toujours fait preuve dans "Harry Potter"), un style fluide et élégant très bien rendu par la traduction de Pierre Demarty. Malgré son épaisseur et un emploi du temps plutôt chargé, je l'ai dévoré en quelques jours. 

Roman reçu pour critique dans le cadre de l'opération "Les matchs de la rentrée littéraire" organisée par Price Minister.

mercredi 14 novembre 2012

"L'Amour sans le faire"


Après des années de silence, Franck décide de retourner dans sa campagne natale. Il approche de la cinquantaine, n'a ni femme ni enfant et se relève tout juste d'un gros problème de santé. C'est un homme sans attaches, un peu à la dérive. Quand il appelle ses parents pour les prévenir de son arrivée, c'est un petit garçon qui décroche - un petit garçon prénommé Alexandre, comme le frère cadet disparu de Franck... 

De son côté, Louise ne s'est jamais vraiment faite à la ville. Mais après la mort de son compagnon, elle s'est sentie incapable de rester à la ferme familiale. Depuis, elle mène la vie d'un fantôme, passant de petit boulot en petit boulot et refusant de s'attacher à quiconque. A la faveur de quelques jours de vacances, elle décide de rendre visite à son fils dans le Lot... 

"L'Amour sans le faire", c'est l'histoire d'un retour aux sources que les personnages n'ont pourtant eu de cesse de fuir, une rencontre entre deux êtres cabossés auxquels les circonstances interdisent de s'aimer. Avec une plume sensible et délicate, Serge Joncour raconte la distance entre un fils et ses parents qui sont des étrangers pour lui, le poids de l'incompréhension et des non-dits, de cette transmission qui n'a pas su se faire. Il faudra l'apparition de Louise pour réconcilier Franck non seulement avec son passé, mais avec la perspective d'un avenir - cet avenir qu'ils ne pourront envisager ensemble, ou du moins, pas au sens traditionnel du terme. 

D'habitude, j'ai beaucoup de mal à rentrer dans un livre si je n'ai aucun point commun avec les personnages, si aucun des thèmes abordés ne fait partie de mes préoccupations du moment. Cette fois pourtant, je me suis laissée happer par l'humanité du récit, le style sans fioritures mais d'une grande justesse de ton et de sentiments. J'ai lu "L'Amour sans le faire" d'une traite, et il m'a presque donné envie de retourner en pèlerinage dans le petit village de Haute-Loire où je passais mes vacances, enfant. C'est dire si je l'ai trouvé réussi. 

Roman reçu pour critique dans le cadre de l'opération "Les matchs de la rentrée littéraire" organisée par Price Minister

lundi 12 novembre 2012

"Les apparences"


Ca fait déjà plusieurs jours que je me demande comment je vais bien pouvoir vous convaincre que vous DEVEZ vous précipiter pour acheter ce bouquin. Parce que raconter quoi que ce soit dessus, ce serait déjà spoiler les futurs lecteurs et leur gâcher en partie le suspens d'un thriller psychologique exceptionnel, et le roman le plus prenant que j'aie lu cette année, voire cette décennie. 

Que vous dire pour vous mettre l'eau à la bouche sans trop en dévoiler? Qu'il est question d'un couple de trentenaires new-yorkais, tous les deux journalistes, beaux et brillants. Qu'à cause de la crise, ils se retrouvent licenciés et contraints de déménager dans le Missouri, où les parents de l'homme se meurent. Que ce bouleversement va faire ressortir le pire chez chacun d'eux. Que la femme va disparaître le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, dans des circonstances pour le moins étranges. 

Que cette histoire, ils la racontent tour à tour et à la première personne, en chapitres alternés. Mais que tous les deux mentent, chacun à sa façon et pour des raisons qui lui sont propres. Que pour une fois, le titre français est bien plus pertinent que celui de la VO: car ici, tout repose sur les apparences, et leur crédibilité devient très vite une question de vie ou de mort. Que petit à petit se dévoile une machination époustouflante, oeuvre d'un esprit génial autant que malade. Que le portrait des deux héros est tracé avec une finesse psychologique qui rend plausible même leurs actions les plus extrêmes. Que la fin est amère et grinçante et que contrairement à d'autres, je l'ai trouvée très satisfaisante. 

Que vous DEVEZ vous précipiter pour acheter ce bouquin, vraiment. Parce que je meurs d'envie de discuter de ses coups de théâtre avec quelqu'un. Et aussi parce que si vous cherchez un chouette cadeau de Noël pour un proche qui aime lire, ça vous fera un casse-tête de moins.


PS: Si vraiment vous voulez en savoir un peu plus avant de vous décider et que vous ne redoutez pas trop les spoilers, je vous invite à lire les critiques de lecteurs publiées sur Amazon, notamment celle de Frédéric Fontès.

jeudi 1 novembre 2012

"13, rue Thérèse"


En s'installant dans son nouveau bureau parisien, le chercheur américain Trevor Stratton découvre une boîte pleine d'objets et de documents datant du début du XXème siècle. A partir des lettres et des photos, il reconstitue la vie amoureuse de Louise Victor: sa passion pour son cousin Camille, que son père refuse qu'elle épouse et qui sera tué pendant la première guerre mondiale; son mariage avec Henri Brunet, un des employés de son père, qui ne lui donnera jamais les enfants tant espérés; l'attirance qu'éprouve pour elle la jeune Garance à qui elle enseigne le piano; et enfin sa liaison adultère avec Xavier Langlais, qui vient de s'installer avec sa famille dans l'appartement en-dessous du sien. Petit à petit, Trevor se laisse fasciner par la personnalité de cette femme hors du commun, au point d'être tour à tour projeté dans la peau de chacun des protagonistes de son histoire...

Elena Mauli Shapiro a réellement vécu au 13, rue Thérèse, où elle a découvert la boîte dont elle utilise le contenu comme point de départ de cet étrange premier roman. J'ai beaucoup aimé l'héroïne à laquelle elle donne vie, personnalité joyeusement transgressive et bouillonnante de désir; beaucoup aimé, aussi, sa façon très juste de parler de l'élan incontrôlable, aveugle et ravageur qu'est la passion. J'ai frémi en lisant ses évocations émouvantes et tragiques de la guerre; j'ai été intriguée par les zones d'ombre qui demeurent dans la vie de Louise. En revanche, j'ai moins apprécié la toute fin de son roman - cette pirouette peu convaincante par laquelle elle conclut l'histoire de Trevor. Et ayant lu le livre en VO, je serais curieuse de savoir comment la traductrice s'est dépatouillée d'un soi-disant jeu de mots qui ne fonctionne pas réellement en français, ou comment l'éditeur a géré les reproductions de lettres visiblement rédigées par quelqu'un dont le français n'est pas la première langue. 

dimanche 28 octobre 2012

"La vie"


"Enfoiré. On hérite ensemble d'un magnifique manoir à la campagne et il préfère le vendre plutôt que le partager. Si Bonne-Maman n'était pas complètement gaga, elle en mourrait de tristesse...

Je comprends tout mais je fais semblant. C'est beaucoup plus simple. Je suis lasse des déceptions de ce monde, jaime mieux sucrer les fraises en attendant de rejoindre Bon-Papa...

Voilà dix ans que j'attends son arrivée, je nous ai trouvé un petit nuage, je crois qu'elle va l'adorer. C'est drôle de regarder les vaches d'aussi haut, on dirait des fourmis...

Je donnerais tous mes veaux pour être une fourmi. Elles travaillent beaucoup plus que nous mais elles doivent beaucoup moins s'emmerder. Encore quarante minutes avant de voir passer l'omnibus pour Clermont-Ferrand, les autres trains vont trop vite, on n'a plus le temps d'apercevoir les passagers aux fenêtres...

Que c'est beau la France! On dira ce qu'on voudra, c'est beau. J'en parlerais volontiers avec mon voisin, mais il a l'air complètement envoûté par son téléphone... 

Je n'arrive pas à vaincre le monstre du cinquième niveau. J'ai essayé tout le week-end, il est imbattable! Ce jeu est trop difficile pour moi, je ne comprends pas comment mon filleul a réussi à le terminer...

Il faut utiliser les trois bazookas à la fois, pile au moment où il saute en arrière. J'ai mis un peu de temps mais j'ai trouvé. Je n'ai plus personne contre qui me battre maintenant, vivement que ma belle-mère accouche..."

Pendant 120 pages, Régis de Sa Moreira saute ainsi des pensées d'un personnage à un autre. En quelques lignes à peine, il brosse un portrait éphémère tantôt drôle, banal, joyeux ou poignant. Dans son cinquième livre se croisent des amoureux et des époux désabusés, des enfants à naître et des vieillards morts, Julia Roberts et Harrison Ford, des chats et des ours, et puis une caissière, une végétarienne, une blogueuse et un assassin. Enchaînement de brèves tranches de vie hyper-réalistes ou éminemment farfelues, dont certains donnent le sourire et d'autres font froid dans le dos, "La vie" est moins un roman qu'une expérience littéraire savoureuse. En le refermant, j'avais envie de prendre la plume pour continuer à en dérouler le fil. 

jeudi 25 octobre 2012

"Partie commune"


La maison des Manin va être vendue à une curieuse troupe de saltimbanques désireux de la changer en théâtre. Cette transformation est racontée tour à tour par Joseph, le petit-fils des anciens propriétaires qui évoque sa famille éclatée; Iris, une aspirante comédienne qui voit là une occasion de décrocher de la came et d'être autorisée à revoir sa fille de 6 ans; Hector, le directeur artistique étrangement dénué d'émotions; mais surtout par la maison elle-même qui, avide de la compagnie des hommes, va se découvrir une nouvelle vocation... 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme? Oui! répond Camille Bordas, jeune auteure de 25 ans à peine. Dans "Partie commune", elle fait s'exprimer non seulement la maison dans laquelle se déroule l'histoire, mais aussi une horloge, un arbre, une tasse, un miroir, une porte, une pompe à bière, une valise ou un ruisseau, auxquels elle prête des sentiments plus humains qu'à certains de ses protagonistes bipèdes. C'est une vraie bonne idée, et la grande force de son roman - avec une écriture qui m'a semblé étonnamment mature pour son âge. Par contre, si j'ai beaucoup aimé les histoires de la famille Manin vues par le regard acerbe et désabusé, mais nullement malveillant, de Joseph, je n'ai pas du tout réussi à m'attacher à Isis et Hector qui sont les narrateurs des deux autres parties, et encore moins aux six acteurs qui les entourent. Ils étaient, à mes yeux, moins vivants, moins réels et bien moins intéressants que cette maison pleine de caractère et d'ambition - la véritable héroïne de "Partie commune". 

mercredi 24 octobre 2012

"Le caveau de famille"


Il y a 3 ans, j'avais passé un très bon moment à lire "Le mec de la tombe d'à côté". La suite des aventures de Désirée la bibliothécaire et Benny le paysan venant de sortir en poche, je me suis dit qu'elle serait parfaite pour occuper quelques heures de train. Et de fait, "Le caveau de famille" m'a occupée - mais essentiellement à rouspéter en mon for intérieur. 

(Attention, spoilers!) Désirée tombe enceinte des oeuvres de Benny comme prévu. Du coup, elle va s'installer avec lui à la ferme. Où elle rechigne à participer aux travaux quotidiens et se révèle une piètre ménagère. Et où elle enchaîne les pontes successives de marmots jusqu'à épuisement total. Pendant ce temps, Benny râle qu'elle ne fout pas grand-chose et que, quand même, elle pourrait se fendre d'un petit effort: sa mère, elle, tenait parfaitement son intérieur et secondait son père comme une bonne épouse d'exploitant agricole se doit de le faire. Désirée et Benny ont toujours autant de mal à se comprendre mais de temps en temps, l'un d'eux lâche qu'il n'échangerait leur vie commune contre rien d'autre au monde parce que les enfants, y'a que ça de vrai ma bonne dame. 

Voilà voilà voilà. 

Envolée, la comédie drôle et grinçante qui m'avait séduite dans "Le mec de la tombe d'à côté". Ici, une femme adopte la vie de son homme - vie qui clairement ne lui convient pas du tout - et elle s'en dit heureuse au nom de l'amûr et de la maternité. Pitié, qu'on me file une bassine. 

mardi 16 octobre 2012

Wilma Tenderfoot Tome 1: "L'énigme des coeurs gelés"


Wilma vit sur l'île imaginaire de Cooper, qu'un mur sépare en deux zones: le Haut et le Bas. Agée de dix ans, c'est une orpheline minuscule et extrêmement bavarde qui s'est mis en tête de marcher dans les traces du grand détective Théodore P. Lebon. Et comme sa détermination n'a d'égale que sa maladresse, elle se fourre très souvent dans le pétrin. 

Un jour, l'Institution pour Petits Malchanceux où Wilma vit depuis qu'elle a été abandonnée l'envoie travailler comme domestique chez Mme Ronchard, une vieille dame tyrannique et effrayante. Au même moment, le plus gros diamant du monde disparaît, et l'homme qui l'a découvert est retrouvé assassiné avec le coeur gelé. Wilma tient une occasion rêvée de prouver à Théodore P. Lebon qu'elle est digne de devenir son apprentie!

Dès la première page, le ton de ce roman jeunesse est donné: une illustration montre notre héroïne suspendue par son fond de culotte à un crochet à jambon, un rouleau de PQ contre l'oeil en guise de longue-vue. Wilma Tenderfoot est une mini-Miss Catastrophe, pleine de bonne volonté mais qui réussit essentiellement à semer la pagaille autour d'elle. Difficile, cependant, de ne pas s'attacher à cette orpheline têtue et volubile imaginée par la britannique Emma Kennedy. L'histoire est bien troussée, avec des personnages manichéens et d'autres plus nuancés ou surprenants. Casterman en propose une édition française de qualité, avec une excellente traduction de Corinne Daniellot et des dessins amusants de Nancy Pena (y compris un monogramme rigolo à chaque début de chapitre et, dans le coin inférieur droit des pages impaires, un chien que l'on peut faire courir façon flip book). 

Sur les quatre tomes que doit comporter la série, deux sont déjà parus en français. Je trouve qu'ils feraient un très bon cadeau de Noël pour une fillette de 8 à 10 ans aimant la lecture et les histoires de détective. Je dis ça, je dis rien. 

mercredi 10 octobre 2012

"L'étrange Odd Thomas"


J'ai une sale manie: j'adore les spoilers. Quand je suis fan d'une série télé que je découvre avec un peu de retard, je ne peux pas m'empêcher d'aller regarder sur un guide quelconque comment elle se termine. Et quand je lis un roman, particulièrement s'il s'agit d'un thriller, je commence par survoler le dernier chapitre pour voir qui a fait le coup. Ainsi, au lieu de me retourner les méninges à chercher le coupable, je peux admirer la façon dont l'auteur construit son histoire et sème des indices dans le texte. Libérée de la pression du suspense, je décortique paisiblement la mécanique, je traque les incohérences, je mesure le savoir-faire de l'artisan. Ca ne me gâche pas mon plaisir, bien au contraire. 

Pourtant, une fois n'est pas coutume: je regrette d'avoir regardé dès la page 100 comment allait se terminer le premier volume des aventures de Odd Thomas. 

Ce roman de Dean Koontz avait peu de chances d'atterrir entre mes mains. En principe, je ne suis pas ou peu cliente de la catégorie horreur/fantastique. Mais la critique lue sur le blog de Sun-Jae m'avait suffisamment intriguée pour que je décide de sortir un peu de ma zone de confort littéraire. 

Odd Thomas habite une petite ville californienne recuite par le soleil, au milieu du désert du Mojave. Agé de vingt ans, il n'a pas d'autre ambition dans la vie qu'aimer pour toujours sa petite amie Stormy Llewellyn et préparer les meilleurs pancakes de Pico Mondo... s'il ne se reconvertit pas un jour dans la vente de pneus. Mais comme son nom l'indique (en anglais, du moins), Odd Thomas possède un don étrange: un sixième sens hyper développé qui lui permet, entre autres choses perturbantes, de voir les morts. Quand il le peut, il se fait un devoir d'aider les victimes d'assassinat à obtenir justice pour qu'elles puissent enfin passer dans l'au-delà. Mais en ce 14 août écrasé de chaleur, c'est à un phénomène bien plus perturbant qu'assiste le jeune cuisinier: il voit grouiller dans la ville des centaines de bodachs, créatures d'ombres attirées par l'imminence d'un massacre à grande échelle...

Dès les premières pages, j'ai été séduite par le ton de l'auteur et par la personnalité attachante de son héros. Odd Thomas a beaucoup souffert et été témoin de quantité d'horreurs; pourtant, il conserve une fraîcheur, voire une naïveté, extrêmement touchante. L'amour qu'il porte à Stormy Llewellyn est pur et absolu, mais même s'il n'est pas immunisé contre la peur, le jeune homme n'hésite ni à enfreindre la loi ni à se mettre en danger pour sauver des innocents. On pourrait le croire un peu simple d'esprit: c'est, au contraire, un sage capable d'accepter les failles des autres et le sort qui lui est échu dans la vie. Sa grande lucidité transparaît dans l'humour ironique et légèrement distancié avec lequel il raconte son histoire à la première personne. 

Dean Koontz réussit le tour de force d'écrire un roman très noir, voire glaçant par moments, sans jamais en plomber l'atmosphère - y compris à la fin qui, alors que je la connaissais d'avance, a quand même réussi à m'arracher une larme. Pour une fois, j'aurais aimé ne pas savoir ce qui allait se passer afin de me laisser cueillir complètement par l'émotion au lieu d'être dans l'analyse du scénario. Quoi qu'il en soit, "L'Étrange Odd Thomas" est une sacrée réussite que je recommande sans réserve aux lecteurs de tous horizons. Et dès début novembre, je m'offre la suite de ses aventures! 

J'ai lu ce roman en VO et ne peux donc rien vous dire sur la qualité de sa traduction française.

mardi 9 octobre 2012

"Comment j'ai arrêté de CONsommer"


J'ai déjà plusieurs fois évoqué ce livre dont la lecture a accompagné la première semaine de mon mois de "no buy". Frédéric Mars, auteur de plusieurs romans et essais, y raconte son "année de lutte contre l'enfer marchand". L'expérience - dans laquelle il entraîne sa compagne et leur fils de 7 ans - commence de manière assez soft, quand il décide de ne pas faire les soldes d'hiver et de soumettre tous ses achats envisagés au verdict de l'indice MBA ("Minimum de Bonheur Acheté"). Chaque objet convoité est noté selon divers critères, et s'il n'atteint pas un total d'au moins 50 points sur 100, la famille renonce à en faire l'acquisition.

Enthousiasmé par les premiers résultats, l'auteur passe à la vitesse supérieure en explorant d'autres moyens de réduire sa consommation, notamment le troc à travers les réseaux SEL. Il guette les sorties culturelles gratuites, résilie ses divers abonnements et annule ses prélèvements automatiques, rend sa carte de crédit et demande la réduction de son découvert autorisé à une banquière ahurie, cesse de fréquenter les hypermarchés pour se tourner vers les petits producteurs, et réussit même une fois à passer 16 jours sans acheter quoi que ce soit, fût-ce une baguette de pain. Il touche aux limites de son expérience lorsqu'il tente de bannir les marques de sa vie: d'abord en arrachant ou en recouvrant tous les logos présents dans son logement, puis en cessant d'en utiliser le nom. Imaginer la tête de la caissière du MacDo quand il lui demande "un soda goût caramel allégé", ou celle de son fils à qui il réclame de lui apporter "des notes repositionnables" est assez savoureux.

Mais alors qu'il s'efforce de modifier ses comportements d'achat en profondeur, il se heurte à l'incompréhension de son entourage. Si sa compagne adhère plus ou moins à ses idées, son fils est trop jeune pour en comprendre l'intérêt, et il peine à comprendre pourquoi la télé du salon tombée en panne ne va pas être remplacée immédiatement (au final, elle ne le sera pas du tout, et il s'y habituera très bien). Le pire, toutefois, ce sont les amis, dont la plupart commencent par ricaner ou se montrer sceptiques avant de finir par traiter l'auteur de radin, voire de parasite. Frédéric Mars ne le cache pas: durant cette année, il développe beaucoup de recul par rapport à la société de consommation, mais sa vie sociale en pâtit sérieusement... et au final, il se rend compte qu'à moins de devenir un vrai marginal, il est impossible d'échapper complètement à la pression ambiante à acheter toujours plus. Un récit édifiant. 

jeudi 4 octobre 2012

"Les carnets de Cerise, tome 1: Le zoo pétrifié"


Cerise a dix ans et demi. Elle vit seule avec sa maman, veut devenir romancière comme Mme Desjardins quand elle sera grande, et en attendant, elle s'emploie à observer les adultes qui l'entourent. L'un d'eux, un vieil homme taciturne qu'elle a surnommé "Monsieur Mystère", l'intrigue particulièrement. Quand il entre le matin dans la forêt où Cerise et ses deux meilleures copines se sont construit une cabane, pourquoi emmène-t-il des animaux en cage; et quand il ressort le soir, pourquoi est-il couvert de taches de peinture multicolores? Cerise décide de le suivre pour en avoir le coeur net...

Ce gros album signé Joris Chamblain et Aurélie Neyret est une pure merveille - une bande dessinée au graphisme enchanteur, entrecoupée ça et là d'extraits des carnets intimes de sa jeune héroïne. Cerise est la petite fille que n'importe quel parent rêverait d'avoir: futée, débrouillarde, gaie et généreuse. Dès la première page, on s'attache à elle et on retombe en enfance pour la suivre dans une aventure originale autant que touchante. Vous ne me croyez pas sur parole? Allez jeter un coup d'oeil ici et faites-vous votre propre opinion. Puis filez acheter "Le zoo pétrifié" pour l'offrir à un enfant de votre entourage... ou gardez-le pour vous!

lundi 1 octobre 2012

"Dessous"


La communauté juive de New York, au début du XXème siècle. Mme Feinberg tient un magasin de confection dont elle tire souvent le rideau pour recevoir ses innombrables amants. Cela ne l'empêche pas d'être très à cheval sur la moralité qu'elle souhaite inculquer à ses filles jumelles. Pourtant, Fanya va devenir l'apprentie d'une dame-docteur avorteuse qui fera son éducation scolaire et politique; du coup, elle refusera toujours obstinément d'épouser son amour de jeunesse, Sal. Quant à Esther, fascinée par les danseuses d'un théâtre de burlesque, elle commencera à travailler pour une mère maquerelle dès l'âge de treize ans avant que sa rencontre avec un agent de stars infléchisse son destin... 

Il ne faisait pas bon être une femme forte et indépendante au début du siècle dernier. En butte à l'hostilité d'une communauté bien-pensante, tour à tour rejetées par une mère hypocrite qui s'efforce de maintenir les apparences sans pour autant réussir à duper ses voisins, Fanya et Esther paieront cher leur liberté d'esprit. A travers deux beaux portraits de femmes, le "Dessous" de Leela Corman aborde avec intelligence la question de la condition féminine. Il évoque également de façon poignante les raisons qui poussent à l'immigration, et la méfiance avec laquelle sont traités sur leur terre d'accueil ceux qui ont été forcés de tout quitter. Même si l'action de ce roman graphique se situe il y a un siècle, son sujet reste tristement d'actualité. Une fiction qui a presque valeur de document historique. 

vendredi 28 septembre 2012

"Léon et Louise"


Léon et Louise n'ont pas vingt ans lorsqu'ils se rencontrent en 1918, dans le petit village de Saint-Luc-sur-Oise. Séparés par un bombardement, les amoureux passeront toute leur vie à se recroiser et à se suivre de loin pour ne pas détruire la famille que Léon aura construite entre-temps...

Ce roman dans lequel l'auteur franco-suisse Alex Capus réinvente la vie secrète de son grand-père sur 40 ans est mon coup de coeur de la rentrée. A travers les péripéties de l'existence de Léon et Louise, il nous replonge dans l'Histoire de France: la Normandie pendant la Première Guerre Mondiale, Paris sous l'Occupation, la tentative du préfet de police pour cacher les archives relatives à l'immigration, l'opération de sauvetage de l'or de la République...

Surtout, il créé deux personnages infiniment touchants dans l'amour indéfectible qu'ils se portent, et la droiture qui les empêchera de briser d'autres vies pour faire la leur ensemble. "Léon et Louise" n'est pas une tragédie: ses héros parviendront à être heureux l'un sans l'autre, acceptant avec grâce le sort qui leur est échu sans jamais s'appesantir sur leurs états d'âme. Chacun à sa façon modeste, ils serviront leur pays dans la tourmente et ne nourriront que très peu de regrets. Un roman grave et léger à la fois, qu'on hésite à dévorer d'une traite ou économiser pour faire durer le plaisir. 

vendredi 21 septembre 2012

"Olive Kitteridge"


Olive Kitteridge vit à Crosby, une petite ville côtière du Maine. C'est une femme caractérielle, encline aux sautes d'humeur et volontiers tyrannique. Tout le monde file droit devant elle: les lycéens auxquels elle enseigne les mathématiques, son époux Henry qui tient la pharmacie locale et son fils unique Christopher dont elle voudrait régenter la vie jusque dans les moindres détails. 

A travers treize récits étalés sur une période de trente ans, Elizabeth Strout peint le portrait d'une héroïne hors normes, mais aussi celui de toute une communauté. C'est ce concept à mi-chemin entre le roman et le recueil de nouvelles qui, bien plus que son prix Pulitzer reçu en 2009, m'a intriguée et décidée à acheter "Olive Kitteridge". Si certains chapitres sont focalisés sur cette dernière, d'autres ne la voient faire qu'une très brève apparition. Parfois, elle est juste mentionnée par le personnage principal du moment - qui, lui, ne réapparaîtra jamais par la suite. 

J'ai beaucoup apprécié le style de l'auteur. Elizabeth Strout prend vraiment le temps de décortiquer les sentiments et les réactions de chacun des protagonistes, ce qui fait d'"Olive Kitteridge" une oeuvre intimiste s'intéressant plus que tout autre chose aux méandres de l'âme humaine. Pourtant, je ne peux pas prétendre avoir adoré le livre dans son ensemble. J'ai trouvé Olive extrêmement antipathique, y compris dans les passages qui dévoilent ses failles et ses tourments intérieurs. Là où d'autres lecteurs ont vu une femme complexe mais humaine et touchante, je n'ai vu qu'une tête à claques qui aurait eu bien besoin que son entourage la remette à sa place de temps en temps. Au final, je suis restée avec une impression très mitigée.

jeudi 13 septembre 2012

"Snuff"


Si je continue à suivre fidèlement les Annales du Disque-Monde, je dois avouer que je n'ai pas du tout été emballée par les derniers tomes. Ca doit bien faire dix ans que je ne ris plus aux éclats en les lisant, que je ne les dévore plus en deux ou trois jours et que je ne m'émerveille plus des multiples trouvailles de l'auteur. Dix ans pendant lesquels la série s'est essentiellement centrée sur le Guet d'Ankh-Morpork, qui n'a jamais été mon groupe de personnages préférés; dix ans pendant lesquels elle s'est spécialisée dans une satire sociale souvent bien vue mais chaussée de trop gros sabots à mon goût. Quand j'ai entamé "Snuff", dont le commandant Vimes est une fois de plus le héros, je ne nourrissais donc pas de grands espoirs. 

(Attention, petits spoilers!) Vimes, citadin dans l'âme, est contraint par son épouse dame Sybil à prendre des vacances à la campagne avec leur fils Sam Junior. Il répugne à s'éloigner ainsi de son travail de policier... et comme de bien entendu, à peine arrivé au manoir de la famille Ramkin, il flaire la culpabilité de la noblesse et de la magistrature locale. Pendant qu'il tente de déterminer quel crime a été commis dans ce village d'apparence si paisible, quelqu'un tente de le faire accuser du meurtre du forgeron. En cherchant le moyen de se disculper, Vimes découvre une colonie de gobelins installée dans une colline. Ces créatures peu ragoûtantes, considérées comme les damnés de la Terre plus misérables des misérables, se révèlent pourtant capables d'étonnantes prouesses artistiques. Et surtout, elles lui réclament justice. Or, s'il y a une chose à laquelle Vimes n'a jamais pu résister, c'est l'appel de la loi. 

Plus honnis encore que les nains, les trolls ou les vampires, les gobelins fournissent à Terry Pratchett l'occasion d'un nouvel appel à la tolérance raciale. C'est bien intentionné mais quelque peu éculé: d'entrée de jeu, on devine que tout ça débouchera sur le recrutement de certains d'entre eux dans le Guet, devenu au fil des tomes une sorte d'arche de Noé pour les espèces intelligentes. Pourtant, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire "Snuff". Niveau humour, je l'ai trouvé nettement au-dessus des dix précédents, et j'ai maintes fois gloussé pendant ma lecture. Une fois n'est pas coutume, j'ai aussi été émue par le sort des gobelins, l'auteur n'hésitant pas à jouer exceptionnellement sur la corde sensible de son lectorat. D'habitude, ses personnages de losers et de parias ont un trait de caractère qui empêche de se sentir totalement désolé pour eux: la lâcheté et la chance de Rincevent, par exemple. Là, n'importe qui aurait envie de se faire le défenseur de ces pauvres malheureux incompris et injustement méprisés. Et puis je suis fan des relations archi-stéréotypées mais très drôles du ménage Vimes, Sybil menant son époux à la baguette sans avoir l'air d'y toucher et celui-ci se laissant faire avec la résignation de quelqu'un qui sait qu'il n'aura jamais le dernier mot. Au rayon des personnages secondaires, on notera une belle prestation de Willikins, le valet de chambre capable de terroriser n'importe quel criminel endurci avec un simple peigne, et on regrettera l'absence de la Mort pour la toute première fois dans les romans adultes de la série. 

mercredi 12 septembre 2012

"Hikari no densetsu"


"Essayer de sauter de danser
C'est très dur mais j'y arriverai
C'est normal tout le mal qu'on se donne
Je serai une vraie champiooooooonne!"
Si vous êtes né(e) dans les années 70 ou 80, vous aurez peut-être reconnu le générique français de "Cynthia ou le rythme de la vie", dessin animé qui retraçait l'ascension d'une jeune pratiquante de GRS et les péripéties de sa vie sentimentale. J'ai toujours été frustrée de n'avoir pas vu la fin; alors quand j'ai découvert que Tonkam rééditait en 8 gros volumes le manga d'Izumi Aso qui avait donné naissance à la série, je n'ai pas hésité longtemps avant de me lancer dans un petit trip nostalgie bon marché*.

En VO, donc, Cynthia s'appelle Hikari. Elle a 14 ans au début de l'histoire, et elle entre en 4ème dans un nouveau collège. Là, elle fait la connaissance de Hazuki, une élève de 3ème qui est déjà une vedette junior de la GRS. Les deux filles vont devenir amies mais aussi rivales, à la fois sur les tapis et dans le coeur d'Oîshi, un champion de gymnastique traditionnelle qui fréquente le même établissement scolaire. Leur trio amoureux sera brisé par l'arrivée de Mao, un jeune musicien ombrageux très épris de Hikari. Il propose à celle-ci d'accompagner ses chorégraphies en jouant d'un instrument live, ce qui va permettre à la jeune fille d'atteindre de nouveaux sommets dans sa pratique. Les compétitions se succèdent avec plus ou moins de bonheur jusqu'à l'objectif ultime de Hikari: les jeux olympiques de Séoul...





Si j'ai craint au début que l'absence de musique nuise à mon appréciation de la version papier de "Hikari no densetsu", j'ai été bien vite rassurée. Au lieu d'une animation somme toute assez rudimentaire, j'ai eu droit à de superbes décompositions des mouvements des gymnastes, un vrai régal pour les yeux**. Le caractère spontané et le bon coeur de Hikari, incapable d'éprouver jalousie ou rancune envers qui que ce soit, font d'elle une héroïne très attachante. Bosseuse, déterminée et résolument positive, elle entretient des rapports de saine émulation avec toutes ses concurrentes, et se réjouit sincèrement pour elles après chacune de leurs bonnes performances. Je regrette juste que le manga ne montre pas davantage les aspects plus ordinaires de sa vie d'adolescente, comme ses cours ou ses rapports avec sa famille. Malgré ça, j'ai dévoré les 6 premiers tomes et j'attends avec impatience la sortie du 7ème et avant-dernier. 

*moins de 10€ le tome pour une bonne heure et demie de lecture: un excellent rapport prix-durée dans la bédé en général
**malgré des pieds qui ressemblent à des pattes de lapin terminées par de longs orteils de chimpanzés; quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi AUCUN mangaka ne sait dessiner les pieds correctement?

dimanche 9 septembre 2012

"Eloïsa et Napoléon"


Eloïsa est grande et grognon. Napoléon est minuscule et souriant. 80 cm et des caractères totalement opposés les séparent. Pourtant, leur amour est une évidence, une petite bulle de magie qui les isole du reste du monde. Les débuts de leur histoire n'ont pas été simples: après leur rencontre fortuite au marché aux fleurs, Eloïsa s'est enfuie, et Napoléon a dû déployer des trésors d'ingéniosité et de patience pour la retrouver...

"Eloïsa et Napoléon", c'est pile le genre de bédé miraculeuse que j'adore dénicher en fouillant chez Contrebandes. Sortie sans tapage chez un petit éditeur, elle a remis de un peu de gaieté et de bonne humeur dans ma soirée de vendredi dernier.  Ce qui, croyez-moi, n'était pas un mince exploit. J'aime les couples à part, ceux qui savent se créer un univers bien à eux et faire de leurs différences leur plus bel atout. Graphiquement, j'ai beaucoup apprécié l'alternance de mosaïques de carrés, dont certains se complètent entre eux pour montrer la progression d'une action,  et de dessins aérés prenant tout une double page, qui installent leur atmosphère façon Sempé. Une très, très jolie découverte. 



samedi 8 septembre 2012

"La maison en petits cubes"


"Dans une ville entièrement immergée, un vieux monsieur résiste encore et toujours à la montée du niveau de la mer. Chaque fois que l'eau atteint son plancher, il est obligé de bâtir une nouvelle maison par-dessus la précédente, si bien qu'au fil du temps son logis a fini par ressembler à une immense pile de petits cubes. 
Un jour, alors qu'il s'est encore une fois lancé dans la construction d'une nouvelle demeure, ses outils tombent tout au fond de l'eau. Il enfile sa combinaison pour aller les repêcher, et au fur et à mesure qu'il descend à travers ses anciennes maisons, de lointains souvenirs lui reviennent en mémoire..."

Avant d'être le magnifique album déniché hier chez Contrebandes, "La maison en petits cubes" était un court-métrage d'animation qui a remporté un Oscar. Extrêmement poétique et extrêmement triste: j'ai versé ma petite larme à la fin. D'accord, j'ai les nerfs à fleur de peau en ce moment... mais je parierais qu'il touchera certain(e)s d'entre vous tout autant que moi.


 


mardi 4 septembre 2012

"Tigers in red weather"


A une petite déception près (un bouquin pas mauvais, mais auquel je n'ai pas accroché), ma cuvée de choix littéraires "Eté 2012" aura été un cru exceptionnel. Pour tout vous dire, je commençais à me sentir invincible au niveau du mojo, quasi persuadée d'avoir acquis l'instinct de la tueuse pour flairer un bon roman. 

"Tigers in red weather" s'est chargé de me remettre les idées en place. 

A priori, il avait tout pour me plaire. Le lieu et l'époque: l'Amérique après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et jusqu'à la fin des années soixante. Le sujet: une histoire de secrets de famille dont l'essentiel se déroule dans une maison de Martha's Vineyard. Le procédé de narration: cinq points de vue successifs qui révèlent progressivement de quoi il retourne, avec des aller-retour entre différentes périodes-clés de la chronologie. La filiation littéraire: "Tigers in red weather" a souvent été comparé à l'oeuvre de Fitzgerald. 

Du coup, quand j'ai dû choisir un seul livre à mettre dans mon sac pour les cinq heures de train entre Toulouse et Monpatelin, c'est sur lui que mon choix s'est porté. Et croyez-moi, si j'avais eu autre chose à me mettre sous les lunettes dans l'Intercités, il serait parti dans la pile pour Pêle-Mêle au bout de trois ou quatre chapitres seulement. Personnages en carton-pâte. Style d'une platitude consternante. Dialogues navrants. Histoire aussi languissante qu'invraisemblable. Même la structure intéressante ne parvient pas à sauver ces tigres-là du naufrage le plus complet. A fuir absolument.

dimanche 2 septembre 2012

"L'äge des miracles"


Au début d'un automne que rien ne distinguait des autres jusque là, les journaux du monde entier annoncent que la rotation de la Terre est en train de ralentir et que les jours ont commencé à rallonger inexorablement. Personne ne sait pourquoi, et personne ne peut anticiper avec précision les conséquences de cet inquiétant phénomène. Mais très vite, les oiseaux commencent à tomber du ciel, les baleines à s'échouer en masse sur les plages et les plantes à mourir les unes après les autres. La gravité est perturbée, et le champ électromagnétique qui entoure la Terre se déchire. La consommation énergétique explose; les pannes d'électricité se multiplient. La population se divise en deux camps: celui des gens qui, conformément aux instructions gouvernementales, vont rester à l'heure des pendules malgré des périodes diurnes atteignant bientôt les 72h; et celui des écolos qui décident de régler leurs rythmes circadiens sur la nouvelle heure du soleil, au risque de devenir des parias au sein de leur propre communauté...

L'histoire est racontée, avec quelques années de recul, par Julia, 11 ans et demi au moment du ralentissement. Dans une ambiance de fin du monde, elle va traverser tous les problèmes inhérents  à cet âge où le corps commence à changer, où les relations avec les garçons prennent un autre tour, où l'on s'aperçoit que l'équilibre familial n'est pas aussi parfait qu'il y paraît. La menace diffuse qui plane sur l'humanité exacerbe les penchants naturels des adultes qui l'entourent. Sa mère paniquée entasse piles et boîtes de conserve dans chaque recoin de leur maison, tandis que son père médecin reste d'un calme à toute épreuve mais se montre de plus en plus absent. Julia, elle, observe les catastrophes écologiques qui s'enchaînent avec le détachement égoïste propre à l'adolescence. Au début, le ralentissement lui apparaît même comme quelque chose de vaguement excitant, une occasion de se rapprocher du garçon qui lui plaît. Moins angoissée que les adultes, plus adaptable et fataliste quant à son avenir sérieusement compromis, elle parvient encore à voir de la beauté et à trouver du plaisir dans les bouleversements radicaux que subit son environnement. 

Sachant que je suis une éco-flippée totale et que, par exemple, je n'ai pas dormi de la nuit après avoir lu cet article sur la piscine du réacteur numéro 4 de Fukushima, il est permis de se demander pourquoi je m'inflige ce genre de lecture. Peut-être que je suis maso. Peut-être que je cherche à apprivoiser mes peurs. Ou, tout simplement, peut-être que je ne veux pas me priver d'un très beau roman même s'il appuie là où ça fait mal. Et très beau, "L'âge des miracles" l'est sans aucun doute. L'auteure, dont c'est là le premier roman, parvient à raconter la rapide dégradation des conditions de vie sur Terre avec une poignance tout à fait dépourvue de pathos, une sorte de poésie de la catastrophe qui m'a amenée à relire de nombreux passages plusieurs fois. Mention spéciale à son tout dernier chapitre, où elle décrit le contenu potentiel du disque que les scientifiques veulent envoyer dans l'espace comme témoignage de ce que fut l'humanité: il m'a serré le coeur et fait monter les larmes aux yeux. Une lecture prenante dont je ne suis pas ressortie indemne. 

Petite précision: j'ai lu "L'âge des miracles" en VO, et ne puis garantir la qualité de la traduction française. La 4ème de couverture lue sur Amazon m'a consternée par son peu de rapport avec le ton général du roman; d'un autre côté, je suis bien placée pour savoir qu'elle a sans doute été rédigée par l'éditeur et ne constitue pas une indication fiable.