mercredi 27 novembre 2013

"Esprit d'hiver"


Le matin de Noël, Holly se réveille avec le sentiment d'avoir eu une révélation très perturbante dans son sommeil. Elle aimerait prendre le temps de la coucher sur papier pour ne pas l'oublier, mais voilà: il est déjà tard, et ses invités vont bientôt arriver pour le déjeuner. Son mari Eric file à l'aéroport chercher ses parents. Mais le blizzard se lève; la neige bloque la voiture contenant sa belle-famille et pousse les autres convives à se décommander. Holly se retrouve seule chez elle avec Tatiana dite "Tatty", superbe adolescente de 15 ans qu'elle a adoptée en Sibérie. La mère ressasse des pensées confuses; la fille a un comportement étrange. Quelque chose cloche profondément dans cette maison, mais quoi?

Laura Kasischke fait partie des écrivains que j'apprécie au point de me dire régulièrement que je devrais explorer l'ensemble de leur bibliographie. Les matchs de la rentrée littéraire Price Minister m'ont permis de lire sa dernière parution en français. Comme tous les autres romans de l'auteur, "Esprit d'hiver" décortique la psyché de sa protagoniste de façon très intime - mais aussi biaisée, ménageant une grosse surprise pour la fin. Malgré la poésie du style, une inquiétude diffuse ne tarde pas à sourdre de chaque page. Les scènes du quotidien suscitent un trouble difficile à expliquer, qui joue avec les nerfs du lecteur. Ici, cette impression est encore renforcée par la neige qui isole Holly et Tatiana un jour où les réjouissances familiales sont habituellement de mise. Petit à petit, on découvre le passé douloureux de Holly et les circonstances particulières qui ont présidé à l'adoption de sa fille. Le malaise croît et se précise jusqu'à une conclusion qui coupe le souffle. Mon seul bémol - et ce n'est pas la première fois que je me fais cette réflexion -, c'est que l'écriture particulière de Laura Kasischke est très difficile à transposer en français, notamment pour les dialogues qui sonnent faux dans notre langue. Mais c'est peut-être mon métier qui me rend difficile!

Note: 17/20

mercredi 20 novembre 2013

"Les petits pains de la pleine lune"


"Comme dans toute bonne boulangerie-pâtisserie, il y en a pour tous les goûts dans ce petit livre: du mystère, des choses graves, de l'humour (noir), de la tendresse (cachée). Le héros est un jeune garçon coréen. Sa mère s'est suicidée quand il était enfant et sa belle-mère le harcèle moralement. Un jour, il s'enfuit de chez lui et trouve refuge dans une pâtisserie, lui qui n'était pourtant pas fan de gâteaux! Là, il fait la connaissance d'une fille pas comme les autres, Oiseau-Bleu, et d'un pâtissier un peu sorcier. Car dans cette boutique vraiment banale en apparence, on confectionne des gâteaux aux pouvoirs étonnants qui sont vendus sur internet. Mais attention! N'oubliez pas que la magie peut toujours se retourner contre vous."

De la bouffe et de la magie. Comment aurais-je pu résister à une telle promesse? Pourtant, "Les petits pains de la pleine lune" m'a surprise par sa noirceur. Le héros mène une vie difficile, et sa rencontre avec le magicien créateur de gâteaux qui changent le cours des choses va lui apprendre qu'on ne peut rien faire pour modifier son destin - voire qu'en essayant, on réussit juste à aggraver la situation. "La plupart des gens acceptent ce que la vie leur réserve: les blessures, la perte de leur logement, les conflits. Aussi me suis-je abstenue d'assaisonner mon roman de notes optimistes, comme la guérison, la réconciliation ou l'espoir en l'avenir", écrit l'auteure à la fin de son roman. Euh. OK. C'est donc un peu le contraire d'un feel-good book. Pourtant, je l'ai lu très vite et beaucoup aimé, sans doute pour son côté fantastique qui m'a fait visualiser des personnages et des décors sortis tout droit d'un manga de Clamp. Malgré des événements dérangeants, le mélange de sordide et de merveilleux m'a laissé en bouche un goût sans doute aussi particulier que celui des étranges pâtisseries de Wizard Bakery. Une lecture à part.

mardi 19 novembre 2013

"Andrea's book: carnets du quotidien"


Alors que je me baladais dans le Drugstore Publicis pour tuer un quart d'heure avant un rendez-vous, mon regard a été attiré par la couverture d'un livre qui ressemblait fort à un carnet Moleskine - même format, même élastique de fermeture. Des petits carreaux, une chaussure à bride verte, un jouet pour chat. Intriguée, j'ai feuillé l'objet... et je l'ai immédiatement emporté à la caisse. 

Andrea Joseph est galloise et illustratrice autodidacte. Ce qui dégoûte un tout petit peu quand on voit la beauté et la minutie de ses croquis. Mais plus que par sa virtuosité technique, j'ai été séduite par le regard qu'elle porte sur le quotidien et sa façon de le documenter (une de mes marottes, au cas où vous ne vous en seriez pas aperçus). Je suis particulièrement fan de ses portraits de chaussures - je me suis jadis risquée à l'exercice, certes avec beaucoup moins de talent -, de ses collections de petits objets et de ses intérieurs en perspective bizarre qui me font un peu penser à ceux de Florent Chavouet. Une très jolie découverte à prolonger (ou à anticiper!) sur le blog de l'auteur.

dimanche 10 novembre 2013

"Instructions for a heatwave"


Pendant la canicule de l'été 1976, en Angleterre, le père d'une famille d'immigrés irlandais disparaît sans laisser de traces. Les trois enfants rentrent au bercail de plus ou moins bonne grâce afin d'entourer leur mère. Michael Patrick, l'aîné, a épousé sa petite amie parce qu'elle était enceinte et dû renoncer à son doctorat d'histoire. Aujourd'hui, il végète dans un boulot de prof, et sa femme se désintéresse complètement de lui. Monica, la cadette, est mariée en secondes noces à un antiquaire bien plus vieux qu'elle qui l'a emmenée vivre à la campagne où elle s'ennuie profondément; en outre, elle ne parvient pas à se faire accepter de ses deux belles-filles. Aoife, la benjamine, est partie s'installer à New York des années auparavant afin que personne ne découvre le secret qu'elle cache depuis sa petite enfance. Devenue l'assistante d'une photographe célèbre, elle vit dans la crainte permanente d'être démasquée...

J'avais lu et adoré les trois premiers romans de Maggie O'Farrell ("After You'd Gone", "My Lover's Lover" et "The Distance Between Us"); avec le recul, je ne sais plus bien pourquoi j'ai cessé de suivre cette auteure. Mais après avoir découvert Stewart O'Nan cet été, je suis frappée par les similitudes de leur style: cette façon de rentrer dans la tête de gens proches les uns des autres pour décortiquer leurs rapports, cette sensibilité dans la façon de décrire le quotidien, cet art de tenir le lecteur en haleine des centaines de pages durant sans qu'il se passe grand-chose. La spécificité de Maggie O'Farrell, c'est que ses personnages protègent généralement un secret ou cherchent à en découvrir un, ce qui les isole et les tourmente.  "Instructions for a Heatwave" ne fait pas exception à la règle. Si son thème familial m'a moins touchée que ceux des précédents romans de l'auteure, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la belle écriture intimiste de Maggie O'Farrell.

jeudi 7 novembre 2013

Les carnets de Cerise, tome 2: "Le livre d'Hector'


Cerise vient de finir l'école primaire. Pendant le mois de juillet, ses amies Line et Erica partent en vacances tandis que la fillette reste à la maison avec sa maman célibataire. Désoeuvrée, elle se met en quête d'un nouveau mystère à résoudre et croit le trouver en la personne d'une vieille dame qui, chaque mardi à 15h, prend le bus avec toujours le même livre qu'elle réemprunte à la bibliothèque d'une semaine sur l'autre...

Pas facile d'enchaîner après un tome 1 aussi réussi que "Le zoo pétrifié", mais Joris Chamblain et Aurélie Neyret s'en tirent très honorablement avec "Le livre d'Hector". Cette fois encore, leur jeune détective va rendre le sourire à une personne âgée prisonnière de sa tristesse et de ses souvenirs. Ce ne sera pas sans conséquence pour ses relations avec son entourage, qui se sent utilisé et trahi. Malgré ses bonnes intentions et son grand coeur, Cerise peut être obnubilée par son objectif jusqu'à faire souffrir les gens qu'elle aime... mais cette fillette attachante est aussi capable de trouver le courage nécessaire pour présenter des excuses à ceux qu'elle a blessés. Ainsi les auteurs nous offrent-ils une jolie leçon de vie en plus d'une aventure touchante. 

Du point de vue graphique, l'émerveillement reste intact. Aurélie Neyret crée un univers visuellement chaleureux dans lequel on a envie de se perdre. On aime retrouver les extraits du journal de Cerise, son écriture d'enfant, ses collages et ses gribouillages rigolos. Les deux tomes de cette série sont une vraie réussite qui devrait figurer en tête de votre liste de cadeaux de Noël si vous avez dans votre entourage des enfants d'une dizaine d'années amateurs de lecture.