samedi 28 décembre 2013

"Love saves the day"


Prudence, petite chatte tigrée trouvée dans un terrain vague, partage une vie heureuse et pleine de musique avec Sarah, sa Personne La Plus Importante, dans un quartier populaire de New York. Jusqu'au jour où Sarah ne rentre pas et où Laura, la fille avec qui elle avait des rapports tendus, vient vider son appartement. Bien qu'un peu réticente initialement, cette avocate carriériste emmène Prudence dans les beaux quartiers où elle s'est installée avec Josh, son mari tout neuf. Sarah avait dit un jour à Prudence qu'il fallait se souvenir des gens très fort pour les garder avec soi; alors, Prudence se retranche au milieu des quelques cartons qui contiennent les affaires marquées de l'odeur de Sarah dans l'espoir de la faire revenir... 

Ce livre choisi un peu au hasard chez Sterling Books parce que sa couverture avait attiré mon regard est définitivement ma grosse bonne surprise de fin d'année. Ne vous fiez pas au titre qui laisse présager un quotient cucuterie stratosphérique. Oui, "Love Saves the Day" est plein de bons sentiments, mais de ceux qui remuent en profondeur au lieu de rester dans la guimauve superficielle. Avec une tendresse immense, il parle d'un amour mère-fille brisé par un drame social puis par des années d'incompréhension; il parle de la douleur du deuil, mais aussi de son apaisement et des ponts qui peuvent être tissés par-delà la mort; il parle de lâcher prise et de trouver son chemin dans des circonstances difficiles. En prime, une chouette peinture des quartiers populaires de New York dans les années 70 et les réflexions souvent très drôles de Prudence sur la manière dont il convient de dresser les humains. Même quand c'est triste, ça fait du bien.

jeudi 26 décembre 2013

"Chute libre: carnets du gouffre"


C'est l'histoire d'une dépression qui frappe sans crier gare. Mademoiselle Caroline adore son boulot d'illustratrice, son grand mari barbu, leur petit garçon de 3 ans et le chalet où ils vivent, dans la région d'Annecy. Elle porte de jolies chaussures et fait toujours l'andouille. Pourtant, du jour au lendemain, elle bascule dans un gouffre béant. Et pendant les six années qui suivent, elle tente d'en sortir. Les anti-dépresseurs font effet, mais dès qu'elle les arrête, Mademoiselle Caroline replonge. Elle parvient la plupart du temps à donner le change à son entourage; d'ailleurs, a-t-elle le choix? Chaque fois qu'elle ose évoquer son mal-être, on lui répond qu'elle a "tout pour être heureuse". Oui, mais elle est le contraire d'heureuse. A son plus bas, elle envisage même de tuer ses enfants (entre-temps, son grand mari barbu et elle ont eu des jumeaux) et de se suicider. Elle suit des thérapies inefficaces avec 3 psys diférents avant de trouver la perle rare qui l'aide à reprogrammer son cerveau émotionnel et à guérir, enfin - tout en admettant qu'elle n'osera sans doute jamais se passer de ses cachets. Un récit très sincère et très juste, avec un graphisme simple mais une mise en page percutante, qui raconte extrêmement bien la difficulté à vivre prisonnier de son propre cerveau, que l'on soit dépressif ou angoissé chronique comme moi. 

lundi 16 décembre 2013

"Little fish"


Ramsey Beyer a grandi au sein d'une famille nombreuse dans la minuscule ville de Paw Paw, au coeur du Midwest américain. Elle connaît ses meilleures amies depuis toujours et adore la vie à la campagne. D'un autre côté, elle aspire à devenir artiste, rencontrer d'autres amateurs de punk et sortir de sa zone de confort pour mener une existence plus excitante. Alors, son diplôme d'études secondaires en poche, elle part étudier dans une école prestigieuse de Baltimore - où de gros poisson dans une petite mare, elle devient un petit poisson dans une grande mare.

A l'aide d'un mélange de listes, de collages et de dessins, elle évoque dans ce mémoire l'année charnière de ses 18 ans - le début de sa vie d'adulte. J'ai été particulièrement sensible à son impression d'être partagée entre deux endroits, chez elle dans son bled comme à la fac, à la fois toujours ravie de retrouver l'un ou l'autre après une absence, et toujours en train de soupirer après l'autre ou l'un quand elle n'y est pas. Si je ne suis pas fan de son graphisme naïf (le genre qui donne envie de dire "Non mais un gosse aurait pu faire ça!"), j'ai beaucoup apprécié son enthousiasme et son côté profondément sain. Ramsey est consciente de sa chance, toujours prête à se remettre en question pour évoluer, très fonceuse et amitié mais très hésitante en amour, et elle raconte tout ça avec une grande sincérité. Et puis en tant que maniaque des listes, je suis toujours très curieuse de voir celles que rédigent les gens atteints du même mal que moi: c'est toujours une excellente source d'inspiration!

dimanche 15 décembre 2013

"Deeply Odd"


Quand je pense que cette série avait si bien commencé! Le tome 1, absolument palpitant, nous présentait un des héros les plus attachants de la littérature moderne tous genres confondus. Hélas, la série a rapidement périclité par la suite, et cet avant-dernier tome (Dean Koontz avait annoncé qu'il y en aurait 7) est sans doute le pire de tous.

Plus vraiment d'intrigue ou d'enquête: Odd Thomas se laisse guider par son pouvoir qui lui indique une menace abominable et le conduit à la source de celle-ci. Systématiquement, il rencontre des gens beaucoup mieux informés que lui qui semblent n'avoir rien d'autre à faire que lui fournir argent, armes ou moyen de transport tout en demeurant mystérieux à souhait. 

Mais le pire, c'est la façon dont l'auteur assène ses opinions socio-politiques par la bouche d'un jeune cuisinier de 22 ans, garçon un peu naïf et profondément bienveillant dont on peine à croire qu'il puisse, par ailleurs, être aussi réac et commencer la plupart de ses réflexions par "De nos jours...". Certains dialogues restent des bijoux d'humour décalé; beaucoup trop d'autres sont de la pure propagande raciste, homophobe, anti-écologiste et anti-gouvernementale. Quant aux interminables et platissimes descriptions, j'en ai sauté une grande partie tant je m'ennuyais. 

J'achèterai sans doute le tome 7 quand même, pour voir où Dean Koontz tentait de nous mener, en espérant que ça en vaille la peine - et aussi parce que l'histoire devrait se dérouler à Pico Mundo, où j'espère retrouver les personnages que j'avais tant aimés dans le tome 1. Mais ce sera la dernière fois que je lirai quelque chose de cet auteur. 

samedi 7 décembre 2013

"The ocean at the end of the lane"


Revenant pour assister à des obsèques dans la petite ville où il a passé son enfance, un homme se sent attiré vers la ferme où vivait autrefois son amie Lettie Hempstock. Derrière la bâtisse s'étend une mare que la fillette nommait "océan". Alors qu'il la contemple, l'homme se souvient tout à coup de l'aventure incroyable et terrifiante qui lui est arrivée l'année de ses sept ans... 

"The ocean at the end of the lane" avait a priori tout pour me plaire. Je suis depuis plus de vingt ans fan de l'imaginaire et de l'écriture de Neil Gaiman. Je considère "Neverwhere" et "American Gods" comme de véritables chefs-d'oeuvre de la littérature - pas de la fantasy, mais de la littérature tout court. Et puis, la dissociation entre enfance et âge adulte, c'est un thème qui me parle très fort, tout comme l'impuissance des enfants face à la cruauté des adultes et du monde en général. 

Pourtant, j'ai eu l'impression de survoler "The ocean at the end of the lane" sans jamais m'y immerger vraiment (ha ha). Peut-être à cause de sa brièveté et de la simplicité de son intrigue. Peut-être à cause de son décor champêtre: j'ai bien plus d'affinités avec les histoires urbaines. Peut-être parce que pour m'inspirer de l'effroi, une créature doit se rattacher à une mythologie bien définie et non pas être une entité sortie d'on ne sait où, on ne sait quand, on ne sait pas trop pourquoi. Seule la fin surprenante, magnifique de maîtrise narrative, a réellement su me toucher. 

mercredi 4 décembre 2013

"Lady Hunt"


"Laura Kern est hantée par un rêve, le rêve d'une maison qui l'obsède, l'attire autant qu'elle la terrifie. En plus d'envahir ses nuits, de flouter ses jours, le rêve porte une menace: se peut-il qu'il soit le premier symbole du mal étrange et fatal qui frappa son père, l'héritage d'une malédiction familiale auquel elle n'échappera pas?"

Le grand roman gothique anglais réinventé entre Paris, un village breton et la lande galloise - voilà qui semblait prometteur. Et pendant la première centaine de pages, j'ai nourri de grands espoirs pour "Lady Hunt". Bien écrit, il dégageait un charme envoûtant qui donnait envie de percer ses mystères. Hélas! Il n'a pas tardé à s'enliser. Entre les descriptions répétitives de grandes demeures bourgeoises toutes vivantes et atteintes d'un mal surnaturel, les rêves de Laura qui se ressemblent tous et ne font pas tellement avancer l'intrigue, le très beau poème de Tennyson martelé toutes les 3 ou 4 pages (en VO sauf à la fin, merci pour les lecteurs non anglophones...), et une héroïne que seuls définissent ses souvenirs et sa peur de tomber malade, j'ai vite commencé à m'ennuyer. Les chapitres courts, pas toujours très explicites et sautant souvent du coq à l'âne, donnent à l'ensemble un côté destructuré que je n'ai pas apprécié, moi qui aime sentir où un auteur m'emmène. L'envie de savoir de quoi il retournait m'a quand même poussée à continuer jusqu'à une fin insatisfaisante - trop abrupte et qui laisse beaucoup de questions en suspens. Bref, une lecture frustrante qui ne tient pas ses promesses initiales.

Note: 12/20

Roman lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire Price Minister

"Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?"


Après le magnifique "Lydie", Zidrou nous revient avec une deuxième histoire d'enfant adulte "pas comme les autres" sur lequel un parent seul veille avec courage, abnégation et le soutien d'un entourage bienveillant. Ici, c'est Mme Hubeau, une retraitée à cheveux blancs qui s'occupe de son fils handicapé mental depuis un accident de voiture.

Michel adore jouer au Puissance 4, surtout contre son gentil cousin Philippe - tellement distrait qu'il se fait battre à chaque fois; il pique une crise quand son T-shirt "Hippie Papy", à l'effigie de son héros de télévision préféré, n'est pas propre et bien plié sur sa chaise le matin; comme il déteste le vent, il refuse d'aller au bord de la mer et noue toujours sa capuche un peu trop serré. C'est un enfant, mais un enfant de 40 ans qui pèse plus de 100 kilos et ne deviendra jamais autonome.

Quant à sa mère... Le jour où elle croise l'ancienne petite amie de Michel, qui lui demande des nouvelles, elle lui répond: "Michel vit sa vie, avec ses petites joies et ses grandes peines". "Et vous?" s'enquiert l'ex-petite amie. "Moi aussi, je vis sa vie", lâche Mme Hubeau très simplement et très dignement. La vieille dame n'est pas une martyre; elle aime sincèrement son "gros bonhomme en chocolat", et quand elle tente de partir en vacances sans lui, elle ne peut s'empêcher de rentrer plus tôt que prévu pour le retrouver. Mais elle ne rajeunit pas, et la question de l'avenir de Michel commence à se poser...

Dans de petites séquences courtes, les auteurs de "Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?" montrent les moments émouvants ou difficiles du quotidien de Michel et de sa mère. C'est bourré d'humanité, ni naïf ni misérabiliste, et ça réchauffe le coeur en même temps que ça le serre.