jeudi 29 janvier 2015

"Station Eleven"


Par une soirée enneigée à Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander meurt sur scène en interprétant le rôle de sa vie. Le même jour, un virus aussi foudroyant que meurtrier a débarqué en Amérique du Nord. Il éradiquera 99% de la population mondiale en l'espace de quelques semaines.

An 20 après l'effondrement de la civilisation. Kirsten Raymonde, qui incarnait une des trois filles du roi Lear le soir de la mort d'Arthur, voyage avec la Symphonie Errante. Cette caravane de musiciens et de comédiens joue de la musique classique et des pièces de Shakespeare dans les minuscules communautés qu'elle croise sur sa route. Passée la violence omniprésente des premiers temps, les survivants de la Grippe Géorgienne s'efforcent de rebâtir leur existence sans aucun de leurs proches ni des ressources qu'ils tenaient pour acquises autrefois...

Le post-apo, ce n'est vraiment pas mon genre littéraire préféré: beaucoup trop angoissant pour moi. Pourtant, je me suis laissée séduire par les excellentes critiques de "Station Eleven", ainsi que par sa jolie couverture et par la belle écriture aperçue en feuilletant les premiers chapitres.

Difficile de raconter ce roman qui ne possède pas d'intrigue à proprement parler. Le passé et le présent s'y emmêlent pour reconstituer la trajectoire des différents protagonistes, dont la plupart sont liés à la représentation théâtrale sur laquelle s'ouvre "Station Eleven" - une soirée ordinaire en apparence, mais qui sera la dernière de la civilisation telle que nous la connaissons. D'un côté, une ère de confort absolu pour les Américains qui mènent des existences passablement vides; de l'autre, une ère de dénuement et de danger qui engendre pourtant des scènes d'une beauté étrange autant que poignante. Et à travers tout cela, une question sous-jacente: qu'est-ce qui, dans la civilisation, vaut la peine d'être préservé? Qu'est-ce qui justifie le combat pour la survie de l'individu et de la race humaine? J'ai été agréablement surprise par la profondeur de sentiments et la puissance d'évocation dont parvient à faire montre la très jeune auteure. Mélange de pragmatisme brutal et de poésie surréaliste, "Station Eleven" fait partie de ces oeuvres capables de hanter ses lecteurs très longtemps.

Ce roman n'a pas encore été traduit en français, mais vu le succès qu'il a remporté sur le marché anglophone, j'imagine que ça ne tardera pas!

mercredi 21 janvier 2015

"Les pommes miracle"


"Bien qu'il ait grandi dans une ferme, Akinori Kimura ne se prédestinait pas à devenir agriculteur. Mais suite à son mariage, il finit par reprendre l'exploitation de son beau-père. Alors qu'il coule de beaux jours à la campagne, son quotidien est bouleversé quand il découvre avec horreur que son épouse est allergique aux pesticides employés pour la culture de leurs pommiers. D'abord par amour, puis par conviction, Akinori Kimura va changer totalement sa façon de concevoir son métier et son rapport à la nature..."

Tiré d'une biographie écrite par Takuji Ishikawa, ce manga en un seul tome aborde la question de l'agriculture biologique par le biais d'une expérience humaine individuelle. Akinori Kimura possède un esprit scientifique développé qui le pousse à tester mille et une alternatives aux pesticides, puis à établir des statistiques pour faire émerger les meilleures méthodes de production naturelles. Pendant dix ans, il essuie des échecs et entraîne sa famille dans la pauvreté sans jamais se décourager, parce qu'il croit en sa vision. Et sa ténacité finit par payer. Porteuse d'un message d'espoir pour l'environnement, l'histoire de ce petit personnage si sympathique est aussi émouvante qu'édifiante. Après "Daisy, lycéennes à Fukushima", les éditions Akata nous gratifient une fois de plus d'un manga intelligent qui ne se contente pas de divertir ses lecteurs. Je suivrai leurs prochaines publications de près. 

mardi 20 janvier 2015

"Rooms"


Après la mort de Richard Walker, patriarche égoïste qui avait fini abandonné de tous, sa famille revient à Coral River pour mettre un peu d'ordre dans ses affaires. Son ex-femme Caroline n'a jamais cessé de l'aimer, et elle est devenue alcoolique; sa fille aînée Minna n'a jamais cessé de le haïr, et elle est devenue nymphomane; son fils cadet Trenton ne l'a pas vraiment connu et cherche surtout un moyen de se suicider. Tout ce petit monde est observé par les fantômes qui hantent les murs de la maison. Eux aussi ont leurs secrets et leurs desseins inavoués...

"On se croirait dans un film de Wes Anderson, mais avec des fantômes", affirmait cette liste des meilleurs livres de fantasy et de fantastique parus en 2014. Il ne m'en a pas fallu davantage pour me procurer "Rooms", premier roman adulte d'une auteure qui sévit habituellement au rayon littérature jeunesse. Et c'est peu dire que j'ai été déçue. Le découpage de la narration par pièce de la maison m'a semblé complètement artificiel - un gimmick juste destiné à structurer l'histoire ou à justifier son titre. Les personnages imparfaits auraient pu être attachants; ils ne sont que dépourvus de consistance, vaguement irritants dans le meilleur des cas. Les révélations n'ont rien de fracassant ou d'original et tombent systématiquement à plat. Le style fait penser à celui d'une étudiante qui suivrait un cours d'écriture créative pour la première fois de sa vie. J'ai tenu jusqu'à la fin parce que j'espérais un twist qui justifierait l'ennui profond ressenti pendant trois cents pages - mais non, rien. Ce bouquin est une colossale perte de temps.

samedi 17 janvier 2015

"Le maître des livres"


A la bibliothèque de la Rose Trémière, spécialisée dans la littérature jeunesse, officie un employé pas comme les autres. Certes, Mikoshiba est coiffé comme un champignon et particulièrement peu aimable, mais il possède un don rare pour mettre entre les mains de chaque visiteur le livre qui saura résoudre ses problèmes et l'aider à changer sa vie...

Ode au pouvoir transformateur de la littérature, "Le maître des livres" rassemble autour de son revêche et mystérieux héros toute une galerie de personnages secondaires un peu paumés, qui seront sauvés de leurs démons par un roman bien choisi et deviendront des habitués de la Rose Trémière. Ainsi se créera petit à petit une communauté de lecteurs passionnés qui viendront à leur tour en aide aux nouveaux visiteurs. Ce manga très sympathique compte pour l'instant 3 tomes parus en français - le 4ème étant prévu pour courant mars. 


vendredi 16 janvier 2015

"Dis-lui que je l'attends"


"Satoshi, bientôt trentenaire, est propriétaire d'une boutique de plantes aquatiques, job dont il a toujours rêvé. Mais il peine à trouver le grand amour et reste hanté par le souvenir de ses deux amis d'enfance qu'il n'a pas revus depuis quinze ans. Un jour, une actrice et mannequin reconnue sonne à la porte: elle cherche un petit boulot et un toit pour la nuit. Satoshi est troublé: pourquoi cette jeune femme s'intéresse-t-elle à lui? Et pourquoi ne la voit-il jamais dormir?"

J'avais adoré "Je reviendrai après la pluie"; alors, en dépit de la malédiction qui veut que le deuxième roman d'un auteur semble toujours décevant aux fans du premier, je me suis laissé tenter par "Dis-lui que je l'attends" à l'occasion de sa récente sortie en poche.

Tout de suite, j'ai été happée par la fraîcheur de ce roman. Dieu sait pourtant que je déteste les histoires à l'eau de rose, mais la délicatesse des sentiments japonais prête à celui-ci une touche d'exotisme bienvenue, et se marie particulièrement bien avec l'évocation nostalgique d'une amitié d'enfance hors normes. Je suis facilement touchée quand un auteur aborde avec talent un sujet qui m'est proche; ici, Takuji Ichikawa a réussi à me remplir d'une émotion immense avec une chose qui m'est totalement inconnue, à susciter en moi l'écho d'un son que je n'ai jamais entendu. C'était étrange et délicieux à la fois.

A travers une histoire d'amour onirique, née au milieu des ordures mais capable de transcender le temps et l'absence, il parle aussi de la beauté cachée des choses et des gens, de solitude et de liens, de la quête de Satoshi et de ses amis pour trouver leur chemin - leur place dans la vie et auprès des autres. Au final, il signe un livre léger en apparence, mais qui touche très profondément.

"C'était Yûji qui nous avait réunis, Karin et moi, de même que cette fois-ci, c'était moi qui réunissais Karin et Yûji. Tout avait un sens, nous n'étions pas éparpillés, nous étions tous reliés. Le monde n'était qu'un grand ensemble de réactions chimiques variées, dans lequel chacun était le catalyseur des autres. Voilà ce que cela voulait dire, d'être en vie. "

lundi 12 janvier 2015

"Un océan d'amour"


"Chaque matin, Monsieur part pêcher au large de côtes bretonnes. Mais ce jour-là, c'est lui qui est pêché par un effrayant bateau-usine. Pendant ce temps, Madame attend. Sourde aux complaintes des bigoudènes, convaincue que son homme est en vie, elle part à sa recherche. C'est le début d'un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. Une histoire muette."

Depuis plusieurs mois déjà, je voyais passer des critiques dithyrambiques sur "Un océan d'amour". Boulet chantait ses louanges sur Twitter, mon libraire y allait de son autocollant Coup de Coeur... Mais moi, les histoires sans paroles, c'est carrément pas mon truc. Et le synopsis n'avait rien pour me harponner (pardon) non plus. Puis, au détour d'un rayon de la Fnac où j'étais venue chercher tout autre chose, mon regard s'est posé sur le nom de Lupano, en haut à gauche de la couverture. Attendez... Lupano, le génial scénariste des "Vieux fourneaux" et d'"Azimut"? Mmmh. Ca méritait une enquête plus approfondie. J'ai pris l'objet en main. J'ai parcouru les premières pages. Moins de dix secondes plus tard, je l'emportais à la caisse. 

Je dois l'avouer, je me méfie des ouvrages qui font l'unanimité de la critique. Par exemple, "5000 kilomètres par seconde" (primé à Angoulême en 2011) ou plus récemment "Cet été-là" m'ont laissée de marbre. Mais cette fois, je dois me rallier à l'avis général: "Un océan d'amour" est un bijou - et même pas un petit, puisqu'il compte 200 pages. Une épopée transatlantique rocambolesque et bourrée de tendresse où les situations cocasses alternent avec les catastrophes écologiques, où l'on croise une diseuse de bonne aventure qui pratique la divination dans les crêpes bretonnes et une mouette vengeresse qui repêche les détritus pour les laisser tomber sur la tête des pollueurs, où l'huile de sardines permet de s'évader quand on est menotté à fond de cale et où un don pour le crochet pourrait faire de vous la nouvelle protégée de Fidel Castro.

Lupano confirme ici le bel humanisme qu'on trouvait déjà dans "Les vieux fourneaux"; quant à Panaccione, ses dessins sont assez éloquents pour pouvoir se passer du moindre mot. On émerge de cet "Océan d'amour" le coeur gonflé d'émotion en se disant qu'on sera bien chanceux, plus tard, de s'aimer autant que le minuscule pêcheur aux lunettes en cul de bouteille et son ample bigoudène prête à tout pour le retrouver.






mardi 6 janvier 2015

"Un amour de bentô"




Fille d'un célèbre mannequin, Saé profite de sa beauté pour se faire inviter à manger par des garçons que son appétit vorace a tôt fait de ruiner. La jeune fille a une excuse: sa mère étant toujours absente, elle n'a guère envie de rentrer chez elle le soir. Un jour, pour aider une amie à déclarer son amour au garçon qui lui plaît, Saé décide de confectionner un bentô. Le problème, c'est qu'elle est nulle en cuisine. Mais Yukî, un de ses camarades de classe, travaille parfois dans le restaurant de sa soeur aînée Shiori, qui accepte de prendre Saé sous son aile. C'est ainsi que la jeune fille commence à jouer les entremetteuses à coups d'onigiri et de crevettes panées, semant le bonheur autour d'elle sans trop se préoccuper du sien. Pourtant, elle adorerait se rapprocher de Yukî...

Bien qu'elle s'adresse à un public nettement plus jeune que moi, j'ai pris plaisir à lire cette série en 3 tomes dont le but semble être de démontrer que faire la cuisine, c'est facile, et que ça rend les gens heureux. Tous les bentô proposés sont détaillés en images de façon à ce que le lecteur (ou plus vraisemblablement la lectrice...) puisse les reproduire. C'est joliment dessiné et plein de bons sentiments - bref, mignon comme tout.