mardi 17 novembre 2015

"La balade des pas perdus"


A sept ans seulement, Millie Bird a déjà vu beaucoup de Choses Mortes qu'elle consigne dans un cahier. Le numéro 28, c'était son père. Peu de temps après, sa mère laisse la fillette dans un grand magasin en promettant de revenir bientôt la chercher. Mais les jours passent sans qu'elle réapparaisse. Puis Millie croise la route de Karl le Dactylo, un octogénaire veuf qui a fui sa maison de retraite en emportant une collection de touches tiret volées sur des claviers d'ordinateur, et d'Agatha Pantha, une vieille voisine acariâtre qui n'a pas mis les pieds hors de chez elle depuis la mort de son mari, six ans auparavant, et dont la seule distraction consiste à engueuler les passants pour un oui ou pour un non. Ensemble, tous partent à la recherche de la maman de Millie en semant une belle pagaille sur leur passage...

Brooke Davis a écrit "La balade des pas perdus" pour exorciser la mort de sa propre mère; c'est sûrement pour ça qu'elle parvient à traiter le sujet du deuil de manière aussi juste et poignante. Mais si son roman tord souvent le ventre, il fait aussi beaucoup sourire et même rire aux éclats. De rencontres émouvantes en actes de délinquance spontanés, le road trip foutraque des trois héros prend des allures de voyage initiatique qui fait découvrir la vie à la fillette et en rend le goût aux deux vieillards. Bien que déçue par la fin un peu abrupte, j'ai adoré cette histoire si grave et si légère à la fois - et gagné au moins dix points de Quotient Emotionnel en la lisant. 

"Peut-être que le jour où tu rends ton dernier soupir, tu reconnais tout, tes souvenirs et tes pensées et les choses que tu regrettes de ne pas avoir dites et celles que tu aimerais ne pas avoir dites et les images dans ta tête des volutes de café chaud et l'expression de ton père juste avant de mourir et la sensation de boue entre tes doigts et le vent quand tu descends la colline en courant et la couleur de toute chose, pour toujours." 

"Chacun sait que nous avons tous un visage qui pleure, de même que nous avons tous un visage qui jouit, mais ceux-là se trouvent sur la liste des Visages Que Personne Ne Voit. Chacun sait que tout le monde se masturbe et pleure, et nous nous parlons en respectant ce contrat implicite, nous tenons des conversations avec ce mur transparent entre nous: Je ne me masturbe pas et je ne pleure pas non plus, je ne me masturbe pas et je ne pleure pas non plus, je ne me masturbe pas et je ne pleure pas non plus, mais comme en réalité je le fais, je sais que vous le faites aussi parce que nous sommes tous pareils. 
Il avait vu Evie avec un visage qui pleure. Visage qui jouit. Visage de terreur. Visage de mort. Est-ce donc cela, l'amour? S'arrêter de faire semblant? Etre capable de dire à une autre personne: Je me masturbe, je pleure, j'ai peur, je meurs?"

2 commentaires:

  1. Très sympa l'idée d'un nouveau blog. Même si je t'avoue que j'aimais bien l'idée du fouillis généralisé sur l'autre ;)

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  2. Je t'ai toujours suivi autant pour tes articles humeurs que pour tes critiques mais c'est vrai que cela sera peut-être plus clair ici (surtout pour retrouver une critique !).
    Bonnes lectures :)

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