jeudi 22 décembre 2016

"Une fille au manteau bleu" (Monica Hesse)


Amsterdam, début 1943. Hanneke Bakker, 18 ans, profite de son physique d'aryenne pour trafiquer au marché noir et nourrir ainsi ses parents qui ne peuvent plus sortir de chez eux. Marquée par la mort au front de son petit ami Bas, elle ne veut se soucier de personne ni de rien d'autre que de survivre à la guerre. Mais un jour, Mme Janssen, une de ses clientes, lui demande de l'aide pour retrouver une adolescente juive qui s'est mystérieusement volatilisée du placard dans lequel elle la cachait. D'abord réticente à prendre des risques pour une inconnue, Hanneke finit par accepter de se lancer dans une enquête qu'elle traite comme une recherche de produit rare. Amenée à côtoyer de jeunes Résistants qui lui ouvrent les yeux, elle va finir par remettre en cause sa vision des choses et son attitude...

Pour son premier roman, la journaliste Monica Hasse livre un récit très bien documenté sur l'époque et le lieu en lesquels il se déroule. Le parcours de son héroïne endurcie par les circonstances lui sert de prétexte pour évoquer des sujets universels comme la frontière très mince qui sépare le courage de la lâcheté et les héros des salauds. Malgré son jeune âge, Hanneke est déjà hantée par des souvenirs qui ressurgissent au fil des chapitres, sculptant sa personnalité en un camaïeu d'ombre et de lumière. J'ai trouvé dommage que son enquête repose sur une telle série de coïncidences, mais au final, la crédibilité de sa progression n'a que peu d'importance comparée au cheminement mental de Hanneke qui, en revanche, est d'une justesse presque douloureuse. Si ça ne tenait qu'à moi, je ferais lire "Une fille au manteau bleu" à tous les adolescents qui s'interrogent sur la situation des réfugiés ou peine à comprendre la raison pour laquelle, plus 70 ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, il convient toujours de s'inquiéter de la montée de la haine et des fascismes de tous horizons. 

"Je ne sais pas dans quel état je suis. Cette livraison fait partie de toutes cette succession d'engagements que je ne tenais pas à prendre. Mais il faisait si sombre dans ce théâtre et Regina était si petite, et nous pouvons faire si peu de choses, tous autant que nous sommes. Que suis-je censée répondre? Qu'elle aurait dû laisser Regina à la crèche pour qu'elle soit déportée? Que suis-je censée croire? Que cela vaut le coup de prendre des risques rien que pour sauver Mirjam, parce que c'est elle seule qu'on m'a chargée de retrouver? Que je serai capable d'oublier ce que j'ai vu au centre de déportation?" 

"Je ne vois pas en quoi ce que je pense d'Amalia, en bien ou en mal, importe à Mirjam. Elle ne me connaît même pas. Sauf que, l'idée me traverse l'esprit, ça m'importerait s'il s'agissait de moi ou de mes amis, de nous tous - Bas, Elsbeth, Ollie, moi. J'aurais à coeur que quelqu'un comprenne que nous avons été faibles, eu peur et agi du mieux que nous pouvions dans cette guerre. Nous étions entraînés par des événements qui nous dépassaient. Nous ne savions pas. Nous ne l'avions pas voulue, cette guerre. Nous n'y étions pour rien." 

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