lundi 30 octobre 2017

"La petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants" (Maja Säfström)


Saviez-vous que certains papillons ne peuvent pas manger car ils n'ont pas de bouche, et qu'ils doivent survivre avec l'énergie emmagasinée quand ils étaient chenilles? Ou que les dents des crocodiles ne leur servent pas à mâcher: ils avalent des pierres qui se chargent de broyer la nourriture avalée dans leur estomac même, et qui de plus leur servent de lest pour plonger plus profondément? Que les martinets peuvent voler six mois de suite sans jamais se poser? Que les tarentules ne tissent pas de toile, mais utilisent leur soie pour décorer leur antre? Que les cafards peuvent manger de tout mais qu'ils détestent les concombres? Tous ces faits peu connus, et bien d'autres encore, sont réunis dans les 120 pages de "La petite encyclopédie illustrée des animaux les plus étonnants", avec de très chouettes dessins en noir et blanc qui devraient plaire aux petits comme aux grands. Une super idée de cadeau! 

dimanche 29 octobre 2017

"Or" (Audur Ava Olafsdottir)


Fraîchement divorcé d'une épouse qu'il n'avait pas touchée depuis huit ans et qui a fini par lui apprendre que leur fille unique n'était pas de lui, Jonas a décidé d'en finir avec la vie. Dans ce but, il liquide ses affaires et prend un aller simple pour le pays le plus dangereux du monde, où une guerre atroce vient juste de se terminer et où le sol est encore truffé de mines. Il n'emporte avec lui qu'une chemise rouge, une perceuse et quelques outils. Lorsqu'il arrive à l'Hôtel Silence, personne ne veut croire qu'il soit venu en vacances comme il le déclare...

Depuis "Rosa Candida", je me jette dès sa sortie sur chaque nouveau roman de l'auteure islandaise Audur Ava Olafsdottir. J'adore son écriture délicate, les quêtes intimes de ses héros, la mélancolie intemporelle qui imprègne tous ses récits, le charme austère de son pays natal. Mais cette fois, je suis au regret d'avouer que je suis passée complètement à côté de "Ör". Je n'ai jamais réussi à m'attacher à son héros dont je ne comprenais pas les envies de suicide et envers lequel je n'arrivais donc à éprouver aucune empathie. Le cadre du "pays le plus dangereux du monde" m'a tristement rappelé une actualité brutale à laquelle je n'avais pas du tout envie de penser. Du coup, même si j'ai trouvée très jolie l'idée que Jonas se répare métaphoriquement en réparant littéralement les choses cassées qui l'entourent, je me suis ennuyée tout du long et un peu forcée pour arriver jusqu'au bout.

mardi 24 octobre 2017

"L'esprit de Lewis T1" (Santini/Richerand)


Bouleversé par la mort de sa mère, Lewis Pharamond se réfugie dans l'une des quatre demeures familiales: Childwickbury, où il n'a pas remis les pieds depuis son enfance. Il compte y écrire un roman, mais l'inspiration se dérobe à lui. Jusqu'au jour où, après avoir été témoin de phénomènes bizarres, il fait la connaissance de Sarah, le fantôme d'une très belle jeune femme qui a tout oublié des circonstances de sa mort. Lewis tente de l'aider à se souvenir, et ce faisant, il tombe amoureux d'elle...

Avec "L'esprit de Lewis", la collection Métamorphose propose une fois de plus une oeuvre à l'atmosphère envoûtante et au graphisme fort. On pourrait penser que des couleurs aussi franches clasheraient avec la période historique choisie, mais il n'en est rien: elles se contentent de donner dynamisme et originalité à un scénario qui reprend beaucoup de clichés du roman gothique. Cependant, bien qu'assez classique au premier abord, l'histoire du tome 1 s'achève de manière assez inattendue pour donner très envie de découvrir la suite et fin de ce diptyque.



samedi 21 octobre 2017

"Stone Junction" (Jim Dodge)


Annalee Pearse n'a que seize ans lorsqu'elle tombe enceinte sans savoir de qui, mais elle refuse que le bébé soit donné à l'adoption et s'enfuit avec lui. Une rencontre de hasard l'amène à gérer un refuge pour une société secrète baptisée Alliance des Magiciens et Outlaws. Lorsqu'Annalee finit par mourir dans l'explosion d'une bombe, son fils Daniel est âgé de quatorze ans. Il n'a jamais mis les pieds dans une école, mais de l'avis général, c'est un garçon vif d'esprit et plein de potentiel. Volta, un des dirigeants de l'AMO, décide de le prendre sous son aile et de lui organiser une formation très spéciale. Auprès d'une série de maîtres, Daniel apprend successivement à méditer et à se débrouiller seul dans la nature, à faire pousser de la drogue, à désactiver les alarmes et ouvrir les coffre-forts, à jouer aux cartes comme un pro et à devenir un as du maquillage et du déguisement. Il commence à se lasser de toute cette théorie quand Volta lui annonce qu'il a une vraie mission sur le terrain à lui confier. Pour s'en acquitter, Daniel va devoir acquérir la compétence la plus dangereuse de toutes: la dématérialisation...

Je ne me serais probablement pas intéressée à "Stone Junction" sans les premières critiques dithyrambiques à son sujet. Et de fait, malgré ses 720 pages et un côté mystique qui n'est pas nécessairement ma tasse de thé, c'est un roman qui se lit tout seul, peuplé d'une galerie de personnages hauts en couleurs - des hors-la-loi qui ont décidé d'utiliser leurs remarquables compétences pour échapper au système et, parfois, lutter contre lui. Si j'ai trouvé qu'il traînait parfois un peu en longueur (les longues descriptions de parties de poker ne sont guère passionnantes quand on ne comprend pas ce qui se passe autour de la table), l'apprentissage particulièrement rock'n'roll du héros ne cesse jamais de surprendre et d'exciter l'imagination. Et lorsqu'arrivé à la moitié du livre, Daniel se met enfin au travail, il devient tout à fait impossible de prévoir la suite: on ne peut que se laisser entraîner par le rythme effréné du récit. Je tiens à saluer au passage le formidable travail de traduction de Nicolas Richard, qui se débrouille magistralement avec un texte truffé d'argot et de passages techniques difficiles. Si vous êtes prêts à vous frotter à une oeuvre profondément anti-conventionnelle, "Stone Junction" est fait pour vous!

Merci à Super 8 Editions pour cette lecture. 

jeudi 19 octobre 2017

"Manhattan murmures" (Giacomo Bevilacqua)


Pour oublier une rupture douloureuse, Sam, photographe, part à New York afin d'y réaliser son premier article de fond. Celui-ci relatera le défi qu'il est lancé: passer deux mois dans cette ville grouillante de monde sans jamais adresser la parole à un autre être humain...

Premier roman graphique de l'italien Giacomo Bevilacqua, "Manhattan murmures" met en scène la solitude, le silence et l'introspection de son héros dans le cadre le plus paradoxal qui soit, un cadre qu'il s'attache à dépeindre avec autant de sensibilité que le paysage intérieur de Sam. 

Ici, quand le photographe capture un instant à travers son objectif, c'est d'une façon assez littérale pour que le récit flirte avec le fantastique sans y basculer tout à fait. Quelques twists bien trouvés assurent la fraîcheur d'une conclusion romantique qui, sans eux, aurait pu paraître trop convenue. Il y aurait de quoi en tirer un très joli petit film d'auteur. 

Merci aux éditions Vents d'Ouest pour cette lecture.

mardi 17 octobre 2017

"Lumikko" (Pasi Ilmari Jääskeläinen)


Il y a 30 ans, Laura White créait dans la petite ville finlandaise de Rabbit Back une Société de Littérature destinée à accueillir dix membres seulement: des élèves de primaire que cette auteure de livres pour enfants célèbre dans le monde entier formerait à devenir de brillants écrivains. Mais la Société n'a jamais eu que neuf membres... Jusqu'au jour où Ella Milana, jeune enseignante qui se débat avec le douloureux diagnostic de sa stérilité, est choisie pour compléter le groupe. Le soir de sa présentation officielle, Laura White disparaît au coeur d'une tempête de neige à l'intérieur de sa propre maison, et Ella entreprend de fouiller dans les secrets de la Société. En quoi consiste l'étrange Jeu aux règles si sévères que les neuf premiers membres évitent désormais tout contact les uns avec les autres? Et pourquoi l'histoire se modifie-t-elle toute seule à l'intérieur de certains des livres de la bibliothèque locale? 

"Lumikko" est le premier roman que j'aurai lu en 2015, et j'espère bien qu'il augurera de la qualité de l'ensemble de l'année. Il faut dire qu'un roman scandinave parlant de livres, d'écrivains et de bibliothèques avait, d'entrée de jeu, de sérieux atouts pour me séduire. Et ce n'était pas les seuls. En s'appuyant sur le folklore nordique pour créer des phénomènes à la frontière du rêve éveillé et du surnaturel, Pasi Ilmari Jääskeläinen tisse une atmosphère très particulière de conte de fées inquiétant, dans lequel évoluent une héroïne anesthésiée par le froid de son propre coeur et des personnages secondaires excentriques juste ce qu'il faut. Son histoire, qui reste imprévisible jusqu'à la dernière page, donne à réfléchir sur la fiabilité de la mémoire, sur la façon dont on peut occulter des souvenirs ou se convaincre soi-même d'un mensonge et bâtir toute son existence dessus. J'aurais pu me sentir frustrée par l'absence d'explication à certains mystères, mais je me suis très bien accommodée de ne faire que l'entrevoir, parce que le véritable intérêt du roman n'était pas là. Si je ne suis pas du tout certaine que l'envoûtement de Rabbit Back fonctionnerait sur n'importe qui, pour ma part, j'ai totalement succombé à son charme étrange. 

Article publié à l'origine en janvier 2015, 
et mis à jour en raison de la parution de l'ouvrage en français depuis cette date

dimanche 15 octobre 2017

"Spoonbenders" (Daryl Gregory)


Autrefois, l'Extraordinaire Famille Telemachus a failli connaître la gloire. Mais c'était avant l'émission de télé au cours de laquelle les pouvoirs de ses membres ont été tournés en ridicule, avant qu'un cancer n'emporte Maureen, la mère, à l'âge de seulement 31 ans. Deux décennies plus tard, les Telemachus ont perdu toute leur superbe. Teddy, le père, continue à porter costume, Borsalino et montres de luxe, survit grâce à de mystérieux subsides et tombe amoureux chaque jour d'une femme différente. Irene, la fille aînée si brillante, sait quand les gens lui mentent et, pour cette raison, ne parvient pas à garder un boulot intéressant ni à entretenir une relation amoureuse. Frankie, le cadet, a planté l'entreprise de téléphonie qu'il avait lancée et emprunté de l'argent à la Mafia pour couvrir ses dettes; maintenant, il ne parvient plus à rembourser et un étau dangereux se referme sur lui. Buddy, le benjamin toujours silencieux qui n'a jamais quitté la maison familiale, s'affaire à de très étranges préparatifs. Il a de bonnes raisons pour ça: ses visions du futur s'arrêtent net au 4 septembre 1995, soit dans 3 mois... 

Si Daryl Gregory a remporté plusieurs prix littéraires - notamment le World Fantasy Award de la novella - avec "Nous allons tous très bien, merci", je n'avais jamais rien lu de lui avant "Spoonbenders" dont la jolie couverture rétro a attiré mon attention au W.H. Smith de l'aéroport de Dublin. Dès les premières pages, j'ai été happée par ce roman à l'histoire si originale, dont la mécanique de précision m'a entraînée d'un chapitre à l'autre sans que je parvienne à interrompre ma lecture avant une heure avancée de la nuit. Perdants attachants malgré la graine de grandeur qu'ils portent en eux, les Telemachus entretiennent les uns avec les autres des rapports dysfonctionnels criants de vérité. L'auteur se balade d'une plume très sûre sur le fil tendu entre chronique familiale et récit à suspense, entre drame et comédie, entre un quotidien terne, souvent pénible, et l'éclat subit mais incontrôlable de pouvoirs fantastiques, entre un passé marqué par l'empreinte de la Guerre Froide et un futur en forme de point d'interrogation. Et si je déplore que beaucoup d'histoires prometteuses se terminent de façon décevante, ici, les derniers chapitres sont une longue apothéose mouvementée et jubilatoire. Bref, "Spoonbenders" est une merveille.

"It was true that he was unusually nostalgic for a kid, though what he pined for was a time before he was born. He was haunted by the feeling that he'd missed the big show. The circus had packed up and left town, and he'd shown up to find nothing but a field of trampled grass. But other times, especially when Mom was feeling good, he'd be suddenly filled with confidence, like the prince of a deposed royal family certain of his claim to the throne. He'd think: Once, we were Amazing." 

"The problem with getting old was that each day had to compete with the thousands of others gone by. How wonderful would a day have to be to win such a beauty contest?To even make it into the finals?Never mind that memory rigged the game, airbrushed the flaws from its contestants, while the present had to shuffle in the spotlight unaided, all pockmarked with mundanities and baggy with annoyances, traffic fumes and blaring radios and fast-food containers tumbling along the sidewalk." 

jeudi 12 octobre 2017

"The girl from the Savoy" (Hazel Gaynor)


Londres, 1923. Dolly Lane a laissé derrière elle le village de la campagne anglaise où elle a grandi et l'homme brisé par la guerre qu'elle aimait depuis l'enfance. Pour gagner sa vie, elle est femme de chambre dans un hôtel de luxe. Mais sa vraie passion, c'est le spectacle. Depuis le pigeonnier des théâtres du West End, elle admire ses idoles en rêvant du jour où elle sera sur scène à leur place. 

Loretta May est une de ces idoles, une fille de famille riche qui a piétiné les conventions et profité de son immense charisme pour devenir une star. Mais ni sa beauté, ni son talent, ni ses tenues magnifiques ne vont pouvoir la préserver de la tragédie qui se profile à son horizon. Pour se changer les idées, elle décide de faire de Dolly sa protégée et son élève...

Si les deux héroïnes du roman d'Hazel Gaynor cachent de douloureux secrets, l'une est sur le déclin tandis que l'autre centame à peine son ascension. Mais chacune fait des choix difficiles qui la rendent attachante. Je craignais une romance prévisible, et "The girl From the Savoy" est justement tout sauf cela, beaucoup plus grave et émouvant que je ne m'y attendais. Une très bonne histoire hélas desservie par une plume maladroite. L'auteure amène ses transitions et révèle les secrets de ses personnages avec un manque de subtilité qui m'a fait grincer des dents; j'ai souvent eu l'impression qu'elle écrivait en se référant à un manuel des procédés incontournables de la fiction; et sa manière de rester à la surface des choses trahit qu'elle ne connaît rien à ce dont elle parle, notamment le milieu du spectacle. Bref, une lecture agréable mais qui aurait pu l'être bien plus encore.

mardi 10 octobre 2017

"Truly madly guilty" (Liane Moriarty)


Quelques mois après un innocent barbecue estival qui a très mal tourné, les convives présents ce jour-là tentent d'en gérer les retombées. Clementine, violoncelliste bordélique et immature, peine à se préparer pour l'audition la plus importante de sa vie et voit son mariage se déliter lentement. Erika, l'amie psychorigide que sa mère lui a imposée alors qu'elles étaient enfants, remet en cause son projet d'enfant avec Oliver. Tiffany, poupée Barbie futée qui s'est enrichie dans l'immobilier, tente de comprendre le tourment secret dont sa fille de dix ans semble être la proie. Au beau milieu de leurs échanges tendus, un voisin irascible est retrouvé mort à son domicile...

Liane Moriarty est l'auteure du roman dont a été tirée la série "Big little lies", gros carton de cet été. Toutes ses histoires se déroulent au sein de la classe moyenne supérieure blanche australienne; toutes mettent en scène plusieurs couples ou familles, essentiellement à travers le point de vue de la femme, et toutes reposent sur une mécanique de secrets savamment distillés au fil des pages. Si cette recette ne devient pas lassante à la longue, c'est parce que Liane Moriarty possède un talent rare pour mettre en lumière les impulsions les plus mesquines et les moins glorieuses de la nature humaine sans jamais condamner ses personnages ni même les rendre antipathiques. Elle parvient à fasciner avec des relations conjugales ou amicales complexes qu'elle dissèque au scalpel, lorgnant sur le thriller psychologique sans jamais y basculer tout à fait. Comme "Le secret du mari" que j'avais adoré, "Truly madly guilty" (pas encore traduit en français à ma connaissance) fait partie de ces romans auxquels on peine à s'arracher, longtemps après l'heure où on aurait dû éteindre la lumière.